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14 mai 2008

Fin d'une histoire

Ce lundi soir, Mary L m'a annoncé qu'elle ne souhaitait plus continuer notre relation. Non, elle n'envisage pas de faire un break pour tenter de passer les écueils, sa décision est définitive.

La maison va être mise en vente dès cette semaine. Voilà donc l'aboutissement des tensions de ces derniers mois...

Je n'ai rien d'autre à ajouter. 

26 février 2008

Mots d'enfants (VIII)

Fin de dîner.

Mary L: "Junior, te souviens-tu que tu dois choisir un livre à lire pour la rentrée en français?"

Junior: " Ben oui, j'en avais choisi un à la bibliothèque, mais la prof elle a dit jeudi que ça n'allait pas"

Moi: "Ah bon? C'est quoi comme livre, une BD?"

Junior: " Oh non, et puis elle a dit qu'on pouvait même choisir un manga si on voulait!"

J'aimerais bien vérifier cette information, mais si c'est vrai, je remets en cause tout de suite l'enseignement public, ça c'est sûr!

Mary L: " De toute façon tu sais que je m'oppose à ce que tu choisisses une BD pour tes fiches de lecture!"

Et lui d'ajouter, sûr de lui: "C'est pas une BD! C'est des nouvelles! Comme ça on peut en lire une ou deux et faire la fiche dessus (sous-entendu: ça en fait moins, je vais m'en tirer facile), la prof elle a dit qu'on a le droit quand c'est des nouvelles "

Moi: "Et pourquoi elle ne voulait pas de ton livre alors?"

Junior, regard fuyant: "Je sais pô..."

Nous, en choeur: " C'est quoi ton livre au fait?"

Junior, très hésitant: "C'est des nouvelles j' t'ai dit, y en a plusieurs, je m' souviens plus tous les titres, j'ai commencé la première page de celle qui se passe dans la forêt, c'est page tant!"

Et sa mémoire très mathématique nous délivre le bon nombre.

C'est là qu'il ajoute: " Ben y a Crétin de Troïe (bien prononcer oïe) et... Yvan et le Lion, un truc comme ça! Les autres, je me rappelle pas!"

Trois secondes pour comprendre et une envie de rire énorme qui ne sera qu'à moitié réprimée!
Au secours! Il s'agit donc d' Yvain ou le Chevalier au Lion, de Chrétien de Troyes, roman de chevalerie du XIIe siècle dont le cadre est la cour du roi Arthur. Les héros sont les Chevaliers de la Table Ronde. C'est une oeuvre plaisante du Moyen-Âge souvent lue au lycée, mais plus rarement au collège et encore moins en sixième, vu la difficulté de comprendre un français vieilli et difficile d'accès à des gamins qui anônnent encore.

Moi: " C'est un bon livre, je suis surprise que ta prof ne voulait pas que tu le prennes... mais ce ne sont pas des nouvelles tu sais, c'est une seule et même histoire, il faudra la lire en entier. Tu l'as ici?"

Il court chercher son bouquin et j'entreprends de lui en lire les premières pages. Il écoute, les yeux ronds, le visage crispé. Il tortille sa serviette et joue avec un bouchon en plastique. Intérêt non démesuré, ça se sent...

" Tu comprends cette histoire, dis-moi? "
Il secoue la tête de gauche à droite: " Pas trop, non."
" Alors ta prof elle ne voulait pas de ce livre pour quelle raison?"
Lui, regard en biais:" Elle a dit que c'était trop dur..."

Il renchérit: " Mais vendredi elle a dit que je pouvais le prendre si je voulais vraiment le lire!..."

On lui a lu un autre extrait, parce qu'après tout l'histoire est sympathique et peut l'aider à vaincre la difficulté des mots...

Bon. Ca y est c'est décidé, ce bouquin, il n'en veut plus! Sacré gamin!
En plus c'est vrai quoi, ce n'est même pas l'histoire de ce crétin de Troï, alors...

14 février 2008

Pour toi

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23 janvier 2008

Bof!

Si je suis rassurée?... ce n'est pas le mot... le chirurgien m'a regardée "arriver avec effroi" selon ses propres paroles! Du coup, je lui ai dit "Bonjour, c'est Alien" mais là, comme il avait énormément de retard, il a moyennement ri et n'a surtout pas pris le temps de faire l'échographie promise...

Résultat, je dois le revoir en mai ou juin après mon contrôle mammo-écho, puisque souci là aussi depuis qq temps, il verra tout à la fois. Il ne comprend pas comment je peux avoir encore des règles avec toutes les synéchies (=cloisons en français courant qu'on comprend) que j'ai ds l'utérus! Ben si! Je suis un être rare que voulez-vous!fe1664470d40f17a57e5c761b5b3aa07.jpg

Il ne parle pas de réopérer pour l'instant, toujours ça de gagné! Cette histoire de polype semble le laisser de marbre. Mais il ne m'a pas entendue quand j'ai parlé de brûlure depuis qqs jours et n'a rien vu à l'examen fait rapidos. Bilan: je me suis retrouvée en RV d'urgence chez la gynéco en ville deux jours plus tard, gynéco qui suspecte une prise d'antibios ds les semaines précédentes (durant l'opé à mon insu possible) puisque j'ai chopé un magnifique champignon (en fait ils sont plusieurs je le crains...) qui pour l'instant s'accroche bien à moi et ne veut pas me lâcher malgré le traitement fourni... ras le bol... ajoutez à ça un rhume à ma façon, le quatrième depuis fin septembre, je suis é-pui-sée. Comme ça pour bosser alors qu'il y a tellement à faire en ce moment, je suis nazzzzze!

21 décembre 2007

Si c'était un film!

Quatre heures à tuer

Arrivées à l'hosto à 8h comme prévu. Deux heures d'attente dans une petite pièce avec quatre cinq chaises. On avait attendu là aussi il y a un an et demi pour l'opé de ma belle, ça doit lui faire drôle d'être là à nouveau.. elle dit juste qu'elle ne se souvient plus si ça avait été long. Il me semble que c'était nettement moins et heureusement.

Une dame d'un certain âge attend, accompagnée d'une plus jeune, sa fille nous le saurons peu après. Elle a le visage triste et légèrement marqué de cette chape particulière qui a pour nom 'avoir un cancer'. Sa fille tient tout le dossier des examens et des bilans. Ma belle me demandera un peu plus tard comment je le sais, me grondant presque d'imaginer quelque chose sans savoir. Je le vois, je le sens, c'est tout. Ce feeling-là est devenu si aigu...

On nous laisse poireauter sans aucune explication. Il y a un sapin de Noël décoré dans un coin. Moi aussi je commence à avoir les boules... Je lâche de temps à autre une boutade pour dérider l'atmosphère. La jeune femme qui attend aux côtés de sa mère sourit de temps à autre, mais on la sent tellement préoccupée et stressée aussi de l'attente qu'on leur fait subir. Ca y est, on vient les chercher, et l'explication tombe: nombreuses urgences toute la nuit, pas de chambre dispo, faut attendre qu'elles se libèrent.

Et on a de la chance encore, ce n'est pas comme dans certains pays anglosaxons où on laisse les lits des malades dans les couloirs. La jeune femme réapparaît sans sa mère et sans son dossier, elle nous raconte leur périple et nous dit " vous ne passerez pas avant midi, ma mère est opérée en premier". Elle ne connaît pas le chirurgien et nous la rassurons, c'est le meilleur sur la place, sa maman est entre de bonnes mains. Ma belle raconte qu'elle y est passée pour la même chose et comme elle est resplendissante de santé, cela achève de rassurer la jeune femme. Quant à moi, pour mon petit cas de rien, j'ai choisi le même chir pour me sentir pleinement en confiance.

Enfin l'on vient nous chercher pour nous montrer mes appartements. Chambre à deux lits, j'ai une voisine qui est là depuis plusieurs jours pour problème urinaire durant sa grossesse. Pas de cas lourd donc et une compagnie qui s'avèrera plaisante et non envahissante à la fois.

Après les formalités d'usage et l'obtention de la réponse à la question qui me préoccupe le plus ce matin "Vais-je souffrir au réveil?" "Pas plus qu'un premier jour de règle, souvent moins". Voilà une réponse qui me rassure au plus haut point! Je m'installe sur le lit et ma belle colle sa chaise près de moi. Elle me masse les pieds ce qui m'assoupit presque et c'est délicieux, je me sens bien en dépit de la soif qui devient intense. Nous bavardons tranquillement jusqu'à midi moins dix où l'on vient pour rouler mon carosse jusqu'au bloc. J'ôte mes lunettes. C'est parti!

Le grand sommeil

J'ai deux chauffeurs, un homme et une femme, sympathiques et qui parlent... voitures! Circulation dans le couloir jusqu'à l'ascenseur, dernier coucou de ma belle au moment où les portes se referment, descente dans le ventre de l'hôpital, on débouche près de la cafétéria que je connais bien. En plus c'est midi et ça sent bon, voilà que maintenant en plus j'ai un petit creux! Longs couloirs que je connais, puis une zone bleue toute neuve qui m'est étrangère, le tout en flou artistique à la David Hamilton, myope je suis. Une immense salle avec des lumières assez douces et un froid certain, plusieurs personnes qui rangent des draps, de nouveaux carosses très étroits dont un m'attend. Je déménage de mon lit douillet pour ce qui est en fait une table d'opé à roulettes. "Vous allez quitter la Rolls pour la Deuche", me dit en souriant mon jeune chauffeur. J'admets en riant que côté suspension c'est pas ça! Il me propose gentiment un coussin pour ma tête et m'apporte un support en polystyrène qui va nettement améliorer mon confort. Je l'en remercie. J'ai refusé la prémédication ce qui fait que je suis très nette dans ma tête: je préfère observer ce qui se passe autour de moi et écouter, à défaut de bien voir ce qui se passe. Je les observe à leur travail un moment puis je profite des quelques minutes qui suivent pour respirer calmement et m'adonner à quelques techniques yogiques de limitation du stress.

"Vous pouvez amener la 7, salle 2" nasille une voix dans un interphone. Comme il n'y a que moi en attente, j'en déduis que je suis le numéro sept en question, ce qui me plaît bien, c'est mon chiffre préféré. Un seul chauffeur cette fois, très prévenant. Il me regarde gentiment en me disant "je vais vous conduire madame". Il y a du coeur dans ces simples mots: cela me confirme que c'est dans les tâches les plus simples que peut se loger le plus grand coeur, ce garçon fait bien son travail et ne me pousse pas en m'ignorant. Arrivée sous les lampes grandes allumées de la salle d'opé, je me plains d'avoir mal aux yeux, on me pousse, une infirmière prend en charge mon bras et ma main gauches, elle me pose la perf sans ménagement là où je m'échine inutilement à dire que cela va m'exploser la main, que j'ai l'habitude, "dans le bras s'il vous plaît", cause toujours tu m'intéresses! A l'autre bras, le tensiomètre. les électrodes pour l'électrocardiogramme sur le haut du buste, s'il vous plaît merci de remonter les couvertures, on se pèle ici. Je demande où je suis dans le bâtiment, on m'explique les nouveaux locaux, etc. Ma belle passera devant à 13 heures avec son sandwich en se disant que peut-être je suis là! L'anesthésiste arrive, questions d'usage, elle branche un autre cathéter et je me sens partir doucement en toute lucidité; si j'avais compté, je pense que je serais allée... au moins jusqu'à 7!

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Les aventuriers du polype perdu

"L'opération est terminée madame, vous êtes en salle de réveil!" . "Alors ça y est je n'ai plus de polype?" "Il y avait des synéchies aussi", me répond-elle. Synéchies? Là c'est Quai des brumes pendant quelques secondes, puis je lui demande "Vous voulez dire des cloisons dans l'utérus, c'est ça?" "Oui" me répond-elle. C'est malheureux que je n'ai pas pu voir sa tête, elle devait être étonnée de la richesse de mon vocabulaire médical... "Alors comme ça tout va marcher très bien maintenant" lui dis-je, bien contente. Elle acquiesce. J'ai demandé l'heure aussi, deux heures moins le quart (avant ma chérie), je compte que j'ai été endormie un bon moment tout de même. Même pas mal. C'est très détendue que je regarde tout autour de moi. Le vieux monsieur tremblant qui essaye de sauter hors de son lit me rappelle mon papa qui a subi contre son gré une dernière intervention cinq jours avant sa mort et arrachait toutes ses perf. Il y a aussi la dame paniquée à qui on injecte encore un calmant et le type si grand qu'ils ont un mal fou à le transférer de sa table à son lit. On lui demande combien il mesure, il murmure quelque chose qui commence par deux mètres et ressombre dans le cirage. Je me redresse sur mon lit mais pas trop, je me suis déjà fait gronder lors d'une autre opé pour avoir voulu m'asseoir dans la salle de réveil. C'est fou comme les autres supposent savoir ce qu'on ressent soi. "Vous êtes rudement bien réveillée, vous! Je crois que c'est inutile d'attendre plus longtemps ici, on va vous remonter" déclare une infirmière. Que voilà une bonne idée!

Je retrouve mon chauffeur sympa, tout seul cette fois. "Alors comme ça vous êtes toute neuve", me dit-il. Ca doit être pour ça qu'il prend un raccourci par le service de pédiatrie, je lui fais remarquer que je n'ai pas rajeuni à ce point, il rit. Arrivée à la porte de la chambre, je cherche des yeux ma belle qui commençait à s'inquiéter, trouvant le temps long. Il est 14h45. Je passe sur les détails du genre "Vous pouvez boire mais pas manger avant le passage du médecin!" Ben voyons et puis quoi encore, je sens bien que j'ai très faim et que j'avale impeccablement bien. Je bois mon verre d'eau devant l'infirmière et je continue à réclamer à manger. J'obtiendrai à l'usure un copieux goûter et du rab que ma voisine me fait passer. Il n'y a plus qu'à attendre le passage du grand chef. Enfin le voilà.

"Finalement ça a été surtout une hystéro d'observation". Qu'est-ce qu'il dit? Mes oreilles se taillent en pointe. "Je n'ai eu aucun problème pour dilater le col. En revanche, trois centimètres après, impossible de passer l'endoscope. J'ai buté sur quelque chose que j'ai pris pour un fibrome tellement cela résistait, j'ai donné un coup de bistouri, cela s'est ouvert et j'ai pensé trouver l'utérus derrière. Et bien non, pas d'utérus mais une nouvelle grotte". Je lui demande quelles aventures il nous raconte là et il ne peut s'empêcher de rire. Redevenu sérieux, il explique qu'il n'a pas pu trouver de lumière pour passer dans l'utérus, qu'il n'a vu ni endomètre, ni polype, ni rien, que je ne devrais pas avoir de règles du tout, ce qui n'est pourtant pas le cas!, que ça a l'air cloisonné de partout et qu'il n'a pas voulu risquer de perforer quoi que ce soit en progressant plus loin. Il me reverra début janvier pour une écho de contrôle et voudrait bien comprendre.

Moi aussi.

Il ne faut jurer de rien 

Nous sommes bien loin des certitudes de ma gynéco qui affirmait que ce ne serait rien et que ce serait facile surtout. Contactée hier, elle se demande si elle n'est pas passée à côté d'un utérus double! De mieux en mieux... Et elle affirme qu'il y a un polype. De toute façon elle prend sa retraite ce soir, alors double ou pas... Et puis j'en doute, ça ferait trois gynéco au moins qui seraient passés à côté!

Le chir ne sait même plus s'il y a ou non un polype, ou si c'est une fausse image d'écho! Moi ce que je sais, c'est que j'ai une semaine d'arrêt non payée de mon boulot - ça c'est les joies du libéral - une certaine fatigue, plein à faire que je ne fais pas, la main gauche explosée, un léger saignement et une sensibilité un peu douloureuse pour quelques jours et rien de résolu du tout. Car si polype il y a, faut pas garder ça et si jamais on ne peut pas l'atteindre en hystéro, à quelle sauce vais-je être mangée en 2008, hein? Ah ça oui, j'ai les boules! 

18 décembre 2007

J - 1

Un peu d'appréhension...

Tellement de travail et de choses à faire aussi que cela permet de moins penser.

Et surtout elle me soutient. Ca c'est tellement bon! 

19 septembre 2007

Une date remarquable!

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Aujourd'hui cela fait 7 ans que le tabac et moi, c'est fini!

Et j'en suis sacrément fière!  Ouaip!

14 septembre 2007

Crémation

Trois jours après les obsèques. C'est au fin fond de la campagne, loin de Paris. On a pris un taxi, tôt le matin. C'est une journée radieuse comme il y en a si rarement: le ciel est d'un pur, l'air est si doux et frais à la fois, c'est délicieux. Le taxi a un toit ouvrant, ce qui donne l'impression que le ciel est partout et que les hauts murs des immeubles de banlieue n'existent plus.
 
Puis l'autoroute, les champs, les bois. Nous partons vers une destination magnifique. Je ne connais pas cet endroit, mais les noms lus sur les panneaux me disent quelque chose: nous sommes dans une région de chasse. Le taxidriver donne quelques précisions sur l'itinéraire: il me semble alors me souvenir qu'une rivière assez importante borde la commune où nous nous rendons, ce qui se vérifiera par la suite. La vie est ainsi faite que nous partons pour un haut-lieu de chasse et de pêche, qui plus est, situé dans le département qui est le berceau de ma famille maternelle: clins d'oeil! Et oui, on meurt tant à Paris de nos jours que les délais de crémation sont inimaginables, à moins de faire comme nous, partir en province.
 
L'homme de circonstance qui nous accueille est de sombre vêtu, il s'excuse il n'a pas sa veste, il court la chercher. Nous devons être les premières ce jour-là. Entrée, petit salon, fleurs artificielles, tout est sans vie là-dedans. Voulez-vous boire quelque chose, mesdames? Oui, enfin non pas tout de suite, on voudrait... il comprend à demi-mot et nous mène dans la pièce où est disposé le cercueil. Nous avons une heure d'avance et j'ai mal pour ma mère qui commence à fléchir je le sens. Paradoxalement, cette pièce-là est vivante: au dehors, un ouvrier repeint de neuf les barreaux et les croisillons d'une des fenêtres de la salle. Clope au bec, imperturbable, il s'applique, il est minutieux, ses gestes me rappellent ceux de mon père, cigarette comprise. Je comprends que mon père restera vivant en moi pour toujours.
 
Ma mère a regardé les cartes sur les fleurs en pots qui accompagnent le cercueil. Non, aucune de la famille. Elle serre le cercueil dans ses bras et commence à craquer, à dire je ne sais quoi sur le paradis, j'attire doucement son attention sur l'homme au travail et ça y est, je vois que ça la frappe: cette application méthodique et soignée, elle ne peut que voir elle aussi! Je lui dis que c'est comme un clin d'oeil de papa: il y a des fenêtres sur la vie, il sera bon qu'elle n'oublie pas de porter son regard au dehors aussi, le monde extérieur existe encore et il y fait beau... Elle s'apaise et se souvient de ses gestes à lui: je sens que ça lui fait du bien.
 
L'employé tout bien sanglé dans son costume sombre nous repropose une boisson, oui un thé ça sera très bien. Une autre salle, un petit bar, quatre tables, des chaises, nous nous installons. Sur le bar, des gravures accrochées, scènes de sport, pêche ou chasse. Non mesdames il n'y a ni la couture ni le tricot, on en déduira ce qu'on veut. Deuxième belle-soeur arrive, très triste elle aussi. Elle confirme, nous ne serons effectivement que quatre, les autres n'ont pas le temps - faut-il comprendre pas les couilles ou pas l'envie? - d'être là...
 
Le préposé est maintenant accompagnée d'une préposée en tailleur très strict, très sombre. Nous retournons dans la salle au cercueil, on nous explique que la cérémonie va pouvoir commencer: nous allons dépiquer nos fleurs de leur tapis de mousse et les disposer directement sur le bois, les mousses et supports métalliques ne brûlant pas, ils seront retirés. Non seulement cela va être très beau, mais cela donne un rôle actif aux participants, c'est moins dur pour ma mère. Arrive pourtant le moment où il faut bien qu'ils emportent le cercueil...
 
La salle est vide maintenant, l'écran vidéo s'allume. Le cercueil est mis en place sur un plan devant un mur où se  découpe une plaque très épaisse verticale: c'est la porte du crématorium. Un autre employé, très raide, se recueille un moment près du cercueil. puis il fait trois pas sur la droite et actionne un bouton sur le mur. La plaque commence à monter, puis se lève  complètement. Un bras mécanique pousse le cercueil lentement dans l'enceinte du crématorium, la plaque redescend lentement, silencieusement, comme le marbre du tombeau se referme sur la tombe.
 
Nous sortons. Il fait un temps radieux. Ma mère et ma belle-soeur parlent un long moment dehors, de papa, puis de mon frère qui a eu de graves ennuis de santé ces derniers temps lui aussi. Il fait toujours aussi beau, le soleil a monté dans le ciel, et cet air si pur... je me revois près de quarante ans en arrière, sur le port de M*** où nous passions nos vacances. C'est la même qualité d'air, quand le beau temps revient au beau fixe après un coup de vent d'est, une température chaude juste ce qu'il faut, une petite brise qui caresse le visage. Je nous revois sur ce port, mon père en maillot de bain, affairé à préparer le bateau pour la journée, joyeux, bronzé, dans la pleine force de l'âge. Cela fait partie des moments les plus heureux de sa vie. Je sens le soleil et je suis sur le port de M***.
 
Soudain, j'entends même les drisses qui tapent sur les mâts des voiliers voisins! Je me retourne: c'est notre peintre qui a fait le tour du bâtiment et qui s'attaque à une nouvelle fenêtre, il tapote les barreaux avec son pinceau pour faire tomber des débris de rouille et de vieille peinture! Synchronicité... Je regarde à nouveau vers les arbres qui entourent la bâtisse et goûte la magie de ce moment où passé et présent coexistent. Je suis à la fois ici à P*** où le corps est en train de devenir cendres et à M*** sur le bateau, prête à passer une journée délicieuse en mer. Merci la vie.  

06 septembre 2007

Homophobie ordinaire

Faire-part

Mme son épouse

Mme Happy sa fille

M. et Mme son fils aîné

Le Docteur (ah les titres ça c'est important!)
son second fils et son épouse

M. son troisième fils et son épouse
(toute neuve, quatrième du titre,
mon frère aurait dû avoir un harem, c'est plus simple...)

Ses petits-enfants et ses arrière-petits-enfants,

ont la tristesse de vous annoncer le décès de ...

les obsèques auront lieu à ....

 

Ma mère me l'avait lu si vite au téléphone, ce faire-part, que je n'avais pas tout compris: je croyais qu'il y avait juste "Son épouse, ses enfants et ses petits-enfants, ont la tristesse etc...". C'est la première chose que j'ai vue en arrivant là-bas, posé sur la table du salon, avec ce vide après mon prénom et mon nom, un vide atrocement grand. Une grande absente.

J'ai encaissé, j'ai montré le papier à Mary L qui n'avait pas encore compris de quoi il retournait et qui a fait la gueule un bon moment ce jour-là - on la comprend!

Puis dans l'après-midi j'ai pris ma mère à part pendant des démarches que nous avions à accomplir et je lui ai dit ma contrariété. A la question, pourquoi ne pas avoir mis "Mme Happy et sa compagne" la réponse tomba comme un couperet "Ah ben c'est pas exprès, je n'y ai pas pensé". Remarque qui fut suivie quelque trente minutes plus tard en notre présence à toutes les deux d'une réflexion sur "ces gens susceptibles qui prennent tout mal là où il n'y a pas de quoi, vraiment je ne comprends pas les gens". Merci pour les gens.

Il a fallu aussi s'appuyer les présentations répétées à l'église ou ailleurs: "Ma fille... une amie". Il a fallu batailler pour que je dise mon texte à moi à l'église et pas un truc tout prêt fait par quelqu'un qui l'a jamais vu, mon père, et qui serait bien en peine de le définir et de l'apprécier. D'ailleurs ses fils, zont pas mis une fleur, zont pas dit un mot.

N'empêche que la quatrième femme de mon frère, elle ne le connaissait pas du tout mon père! Ce n'est pas elle qui lui a massé les pieds le 15 août quand on est monté le voir en vie pour la dernière fois. Ce n'est pas elle qui a deux enfants que mon père commençait à aimer tellement fort, que même si ceux-là n'étaient pas de son sang, il s'annonçait toujours sous le nom de Papy pour eux au téléphone. Son dernier cadeau, c'est une voiture pour eux deux, qu'il n'a pas eu le temps d'envoyer par la poste  et que j'ai rapportée dans mes bagages. Il y a une lettre avec, sa dernière lettre... Elle est pour eux. Nous l'ouvrirons ce week-end tous ensemble, puisque nous n'avons pas été rassemblés plus tôt.

La femme qui a massé les pieds de mon père, la femme qui a mis au monde ces deux enfants, la femme qui a mis les disques que mon père aimait pendant la cérémonie, la femme que j'aime et qui m'aime, c'est ma belle. Cette femme-là, si la loi n'était pas tellement à la con! serait mon épouse au même titre que les autres. En attendant c'est ma compagne depuis bientôt sept ans et je défie quiconque d'affirmer que notre amour ne vaut rien! 

Oh Maman, ma vie tu la connais depuis si longtemps, et Mary L aussi tu la connais et tu vois comme on est bien ensemble. Pourquoi as-tu fait ça? Ma douce a du chagrin aussi, tu sais, elle aimait Papa et vous a toujours bien reçus chez nous. Tu m'as fait très mal, très mal et tu ne le vois même pas! Et si tu t'en foutais enfin du qu'en dira-t-on?

... 

Faut pas que j'oublie que Papa m'a laissé un très beau cadeau à moi aussi, celui d'accepter ma vie telle qu'elle est!

Relativité du temps

Du 23 au 28 août, objectivement, cinq jours.

Pour moi, je ne sais combien de semaines voire de mois pour les digérer.

Préparatifs, obsèques, premiers rangements, premiers tris, démarches, administrations, famille, retrouvailles, surprises bonnes, mauvaises, émotions, souvenirs, cassures, éparpillement du passé, loi du silence, homophobie ordinaire, et j'en passe.

Il me faudra du temps pour mettre en mots la souffrance, les joies, les traumatismes refoulés, les brisures, les séparations, les oublis, la négation par les uns, la reconnaissance par les autres.

L'ignorance et le déni font toujours autant de dégâts, n'en doutez pas. Quant à certains, c'est l'intérêt qui guide leur coeur. Pas l'affection. Heureusement qu'il y a les autres... enfin j'espère...

21 août 2007

Il est parti

Il a choisi. Il est parti.

Je suis très triste et très soulagée à la fois. Il a fait le meilleur choix: il ne souffre plus.

C'est le début d'une grande solitude pour ma mère... 

16 août 2007

Tout déglingué

Nous l'avons trouvé tout dépenaillé, les gobelets et le réveil jetés par terre, le pyjama arraché, la couverture et les draps valdingués. Les infirmiers ont confirmé qu'il n'avait pas cessé de tout dévirer depuis la nuit précédente.

Et pourtant ... les yeux tout ronds tout brillants comme un gosse, un sourire large en dépit de sa grande faiblesse et cette phrase d'entrée: "Je suis tout déglingué!". Lucide, ravi de me voir, de nous voir, et de la bonne surprise qu'on lui fait là.

Près de trois heures passées auprès de lui à 95 % cohérent, trois heures merveilleuses. Nous nous sommes dit si peu de choses car il n'arrive presque plus à parler, mais si essentielles! C'est le meilleur qui a été dit, de part et d'autre. Il était si content, si touchant, si touché!

Je sais qu'aujourd'hui déjà il ne se rappelait plus m'avoir vue la veille et qu'il s'éteint en accéléré. Je sais qu'on le maintient en vie de force, mais enfin, s'il ne veut ni ne peut plus manger, à quoi bon? Il respire mal, s'étouffe de plus en plus, décline, ne se lèvera plus, ne fait rien à part encore un peu regarder la télévision ou écouter la radio d'une oreille distraite, subir quelques soins le matin et attendre parfois les visites de ma mère quand le temps signifie encore quelque chose et qu'il n'est pas tout déboussolé. Je ne comprends pas pourquoi s'acharner comme cela pour le maintenir dans cet état! Et ce soir l'on me dit qu'aujourd'hui encore il y a eu un acte chirurgical sous AG: changement du PAC (port à cath) pour le nourrir artificiellement! Mais quoi? Il arrache toutes ses perfs, ce PAC c'est lui qui l'a mis hors d'état ce lundi! Pourquoi lui imposez-vous encore cette souffrance? Vous ne comprenez donc pas?

S'il vous plaît, laissez-le partir! Pleaaase, let him goooo. Foutez-lui la paix! Laissez-le partir en paix! Ce n'est plus une vie, ce n'est pas une vie, ce n'est pas la vie qu'il aime! Qui voudrait être traité comme cela? S'il vous plaît!

11 août 2007

Ouééééééé 2 !

Dimanche soir. 22h passées. Le téléphone sonne. "Allo c'est moi (= my mother), je t'appelle pour te dire que ton père va être hospitalisé dans les minutes qui viennent, il est tombé ce matin par terre sans pouvoir se relever, j'ai dû appeler les pompiers. Et maintenant, il tousse sans arrêt, il part en urgence à  l'hôpital P".

Cela faisait cinq jours qu'il était de retour chez lui...

Il faudra deux jours pour lui trouver un lit dans cet établissement de pointe, probablement l'un des meilleurs d'Europe pour le traitement du cancer. C'est dire combien cette maladie frappe de monde... Il faudra trois autres jours pour que soit choisi l'établissement qui va se charger des soins à faire en attendant l'entrée en unité de soins palliatifs, un peu plus tard dans l'été. Ca y est donc, il ne rentrera plus jamais chez lui.

Pour celles et ceux qui ne sont pas ou plus bien au courant, les derniers mois ont été plutôt mouvementés. Je résume: mon père souffre depuis quelques années d'un cancer de la prostate qui s'est progressivement généralisé, aux os d'abord, puis aux vaisseaux sanguins, puis au foie et aux poumons. Il n'a pas d'atteinte cérébrale, ce qui ne l'empêche pas de dérailler un bon coup, car il est dans le déni complet de sa mort prochaine et même de sa maladie tout court maintenant. Il a franchi depuis près de deux ans le stade de l'incurable et de la résistance du cancer à tous les traitements. Pourtant il souffre peu ou pas, et supporte d'ailleurs fort bien les traitements analgésiques qu'on lui donne en quantité minime pour le moment. Il se contente d'être insupportable, d'insulter médecins et infirmières, de se déclarer miraculé, de s'en prendre aux autres patients quand il les croise et de délirer par moments assez fort. C'est ma mère qui s'en prend le plus: il lui en veut de tout, probablement aussi plus encore de sa survie, car au fond de lui il y a bien quelque chose qui sait tout en niant l'évidence. 

Il est hospitalisé depuis mi-juin, dans divers établissements, car son état mental lui a valu un mois d'hôpital psy en plus du reste, jusqu'à ce qu'il soit assez calme pour retourner dans un établissement conventionnel. Jusqu'à ces cinq jours chez lui enfin, les derniers.

Ce qui veut dire que je le perds deux fois, la première c'est fait - impossible d'avoir une conversation normale avec lui depuis l'an passé - la deuxième est pour bientôt. Cette fois-ci encore, l'infection pulmonaire est banale, ils vont résorber tout ça en deux coups d'antibiotiques. Mais le cancer gagne du terrain: amaigrissement prononcé, fatigue, dégradation physique importante, lui qui aimait tant manger - et oui! j'ai de qui tenir!! - ne mange plus grand-chose. Il reste couché en permanence, alors qu'il manigançait sans cesse des évasions invraisemblables il y a encore quelques jours...

Un jour concessionnaire de voitures de luxe - le seul patient de France à avoir voulu vendre un coupé sport de grand renom à son oncologue, à plus de 80 ans!!! - un autre jour il est commandant de bord chez Air ChezNous, un autre encore capitaine de navire!!! Il aura vécu jusqu'au bout ses passions: automobile, aviation, bateau, mécanique. Il aimait la nature aussi, et la pêche et la chasse. Il a même repris tous ses permis cette année, alors qu'il ne tenait plus bien debout! C'est le rêve qui le maintient en vie, le rêve! Il pousse à l'extrême ce qu'il a vécu en vrai - et en plus petit! -  dans le temps. Grâce à lui, j'ai roulé dans de belles voitures américaines quand j'étais gosse, j'ai fait de l'avion à ses côtés et acquis des rudiments de pilotage, j'ai appris la voile et la navigation de plaisance... et l'on cherche un peu moins à m'entuber me faire passer pour une conne dans les garages.

Ce vieux fou délabré, c'est mon père. 

Nous montons donc le voir une journée la semaine prochaine. Ce sera la dernière fois. J'espère bénéficier de cinq minutes de lucidité, cela arrive encore, de temps en temps... Il faudra que je n'oublie pas de lui raconter la truite que j'ai pêchée il y a quelques jours: même pas très grande, elle était bien plaisante à sortir du courant où elle s'était postée et nous l'avons dégustée avec délectation!

04 août 2007

Ici radio Londres

Message personnel:
l'oiseau s'est envolé!
Je répète:
l'oiseau
s'est
envolé!