21 décembre 2007
Si c'était un film!
Quatre heures à tuer
Une dame d'un certain âge attend, accompagnée d'une plus jeune, sa fille nous le saurons peu après. Elle a le visage triste et légèrement marqué de cette chape particulière qui a pour nom 'avoir un cancer'. Sa fille tient tout le dossier des examens et des bilans. Ma belle me demandera un peu plus tard comment je le sais, me grondant presque d'imaginer quelque chose sans savoir. Je le vois, je le sens, c'est tout. Ce feeling-là est devenu si aigu...
On nous laisse poireauter sans aucune explication. Il y a un sapin de Noël décoré dans un coin. Moi aussi je commence à avoir les boules... Je lâche de temps à autre une boutade pour dérider l'atmosphère. La jeune femme qui attend aux côtés de sa mère sourit de temps à autre, mais on la sent tellement préoccupée et stressée aussi de l'attente qu'on leur fait subir. Ca y est, on vient les chercher, et l'explication tombe: nombreuses urgences toute la nuit, pas de chambre dispo, faut attendre qu'elles se libèrent.
Et on a de la chance encore, ce n'est pas comme dans certains pays anglosaxons où on laisse les lits des malades dans les couloirs. La jeune femme réapparaît sans sa mère et sans son dossier, elle nous raconte leur périple et nous dit " vous ne passerez pas avant midi, ma mère est opérée en premier". Elle ne connaît pas le chirurgien et nous la rassurons, c'est le meilleur sur la place, sa maman est entre de bonnes mains. Ma belle raconte qu'elle y est passée pour la même chose et comme elle est resplendissante de santé, cela achève de rassurer la jeune femme. Quant à moi, pour mon petit cas de rien, j'ai choisi le même chir pour me sentir pleinement en confiance.
Enfin l'on vient nous chercher pour nous montrer mes appartements. Chambre à deux lits, j'ai une voisine qui est là depuis plusieurs jours pour problème urinaire durant sa grossesse. Pas de cas lourd donc et une compagnie qui s'avèrera plaisante et non envahissante à la fois.
Après les formalités d'usage et l'obtention de la réponse à la question qui me préoccupe le plus ce matin "Vais-je souffrir au réveil?" "Pas plus qu'un premier jour de règle, souvent moins". Voilà une réponse qui me rassure au plus haut point! Je m'installe sur le lit et ma belle colle sa chaise près de moi. Elle me masse les pieds ce qui m'assoupit presque et c'est délicieux, je me sens bien en dépit de la soif qui devient intense. Nous bavardons tranquillement jusqu'à midi moins dix où l'on vient pour rouler mon carosse jusqu'au bloc. J'ôte mes lunettes. C'est parti!
Le grand sommeil
J'ai deux chauffeurs, un homme et une femme, sympathiques et qui parlent... voitures! Circulation dans le couloir jusqu'à l'ascenseur, dernier coucou de ma belle au moment où les portes se referment, descente dans le ventre de l'hôpital, on débouche près de la cafétéria que je connais bien. En plus c'est midi et ça sent bon, voilà que maintenant en plus j'ai un petit creux! Longs couloirs que je connais, puis une zone bleue toute neuve qui m'est étrangère, le tout en flou artistique à la David Hamilton, myope je suis. Une immense salle avec des lumières assez douces et un froid certain, plusieurs personnes qui rangent des draps, de nouveaux carosses très étroits dont un m'attend. Je déménage de mon lit douillet pour ce qui est en fait une table d'opé à roulettes. "Vous allez quitter la Rolls pour la Deuche", me dit en souriant mon jeune chauffeur. J'admets en riant que côté suspension c'est pas ça! Il me propose gentiment un coussin pour ma tête et m'apporte un support en polystyrène qui va nettement améliorer mon confort. Je l'en remercie. J'ai refusé la prémédication ce qui fait que je suis très nette dans ma tête: je préfère observer ce qui se passe autour de moi et écouter, à défaut de bien voir ce qui se passe. Je les observe à leur travail un moment puis je profite des quelques minutes qui suivent pour respirer calmement et m'adonner à quelques techniques yogiques de limitation du stress.
"Vous pouvez amener la 7, salle 2" nasille une voix dans un interphone. Comme il n'y a que moi en attente, j'en déduis que je suis le numéro sept en question, ce qui me plaît bien, c'est mon chiffre préféré. Un seul chauffeur cette fois, très prévenant. Il me regarde gentiment en me disant "je vais vous conduire madame". Il y a du coeur dans ces simples mots: cela me confirme que c'est dans les tâches les plus simples que peut se loger le plus grand coeur, ce garçon fait bien son travail et ne me pousse pas en m'ignorant. Arrivée sous les lampes grandes allumées de la salle d'opé, je me plains d'avoir mal aux yeux, on me pousse, une infirmière prend en charge mon bras et ma main gauches, elle me pose la perf sans ménagement là où je m'échine inutilement à dire que cela va m'exploser la main, que j'ai l'habitude, "dans le bras s'il vous plaît", cause toujours tu m'intéresses! A l'autre bras, le tensiomètre. les électrodes pour l'électrocardiogramme sur le haut du buste, s'il vous plaît merci de remonter les couvertures, on se pèle ici. Je demande où je suis dans le bâtiment, on m'explique les nouveaux locaux, etc. Ma belle passera devant à 13 heures avec son sandwich en se disant que peut-être je suis là! L'anesthésiste arrive, questions d'usage, elle branche un autre cathéter et je me sens partir doucement en toute lucidité; si j'avais compté, je pense que je serais allée... au moins jusqu'à 7!
Les aventuriers du polype perdu
"L'opération est terminée madame, vous êtes en salle de réveil!" . "Alors ça y est je n'ai plus de polype?" "Il y avait des synéchies aussi", me répond-elle. Synéchies? Là c'est Quai des brumes pendant quelques secondes, puis je lui demande "Vous voulez dire des cloisons dans l'utérus, c'est ça?" "Oui" me répond-elle. C'est malheureux que je n'ai pas pu voir sa tête, elle devait être étonnée de la richesse de mon vocabulaire médical... "Alors comme ça tout va marcher très bien maintenant" lui dis-je, bien contente. Elle acquiesce. J'ai demandé l'heure aussi, deux heures moins le quart (avant ma chérie), je compte que j'ai été endormie un bon moment tout de même. Même pas mal. C'est très détendue que je regarde tout autour de moi. Le vieux monsieur tremblant qui essaye de sauter hors de son lit me rappelle mon papa qui a subi contre son gré une dernière intervention cinq jours avant sa mort et arrachait toutes ses perf. Il y a aussi la dame paniquée à qui on injecte encore un calmant et le type si grand qu'ils ont un mal fou à le transférer de sa table à son lit. On lui demande combien il mesure, il murmure quelque chose qui commence par deux mètres et ressombre dans le cirage. Je me redresse sur mon lit mais pas trop, je me suis déjà fait gronder lors d'une autre opé pour avoir voulu m'asseoir dans la salle de réveil. C'est fou comme les autres supposent savoir ce qu'on ressent soi. "Vous êtes rudement bien réveillée, vous! Je crois que c'est inutile d'attendre plus longtemps ici, on va vous remonter" déclare une infirmière. Que voilà une bonne idée!
Je retrouve mon chauffeur sympa, tout seul cette fois. "Alors comme ça vous êtes toute neuve", me dit-il. Ca doit être pour ça qu'il prend un raccourci par le service de pédiatrie, je lui fais remarquer que je n'ai pas rajeuni à ce point, il rit. Arrivée à la porte de la chambre, je cherche des yeux ma belle qui commençait à s'inquiéter, trouvant le temps long. Il est 14h45. Je passe sur les détails du genre "Vous pouvez boire mais pas manger avant le passage du médecin!" Ben voyons et puis quoi encore, je sens bien que j'ai très faim et que j'avale impeccablement bien. Je bois mon verre d'eau devant l'infirmière et je continue à réclamer à manger. J'obtiendrai à l'usure un copieux goûter et du rab que ma voisine me fait passer. Il n'y a plus qu'à attendre le passage du grand chef. Enfin le voilà.
"Finalement ça a été surtout une hystéro d'observation". Qu'est-ce qu'il dit? Mes oreilles se taillent en pointe. "Je n'ai eu aucun problème pour dilater le col. En revanche, trois centimètres après, impossible de passer l'endoscope. J'ai buté sur quelque chose que j'ai pris pour un fibrome tellement cela résistait, j'ai donné un coup de bistouri, cela s'est ouvert et j'ai pensé trouver l'utérus derrière. Et bien non, pas d'utérus mais une nouvelle grotte". Je lui demande quelles aventures il nous raconte là et il ne peut s'empêcher de rire. Redevenu sérieux, il explique qu'il n'a pas pu trouver de lumière pour passer dans l'utérus, qu'il n'a vu ni endomètre, ni polype, ni rien, que je ne devrais pas avoir de règles du tout, ce qui n'est pourtant pas le cas!, que ça a l'air cloisonné de partout et qu'il n'a pas voulu risquer de perforer quoi que ce soit en progressant plus loin. Il me reverra début janvier pour une écho de contrôle et voudrait bien comprendre.
Moi aussi.
Il ne faut jurer de rien
Nous sommes bien loin des certitudes de ma gynéco qui affirmait que ce ne serait rien et que ce serait facile surtout. Contactée hier, elle se demande si elle n'est pas passée à côté d'un utérus double! De mieux en mieux... Et elle affirme qu'il y a un polype. De toute façon elle prend sa retraite ce soir, alors double ou pas... Et puis j'en doute, ça ferait trois gynéco au moins qui seraient passés à côté!
Le chir ne sait même plus s'il y a ou non un polype, ou si c'est une fausse image d'écho! Moi ce que je sais, c'est que j'ai une semaine d'arrêt non payée de mon boulot - ça c'est les joies du libéral - une certaine fatigue, plein à faire que je ne fais pas, la main gauche explosée, un léger saignement et une sensibilité un peu douloureuse pour quelques jours et rien de résolu du tout. Car si polype il y a, faut pas garder ça et si jamais on ne peut pas l'atteindre en hystéro, à quelle sauce vais-je être mangée en 2008, hein? Ah ça oui, j'ai les boules!
10:15 Publié dans Vie de famille ... homoparentale | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : vivre
18 décembre 2007
J - 1
Un peu d'appréhension...
Tellement de travail et de choses à faire aussi que cela permet de moins penser.
Et surtout elle me soutient. Ca c'est tellement bon!
10:00 Publié dans Vie de famille ... homoparentale | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : vivre
05 décembre 2007
L'après cancer
L'après cancer n'est pas facile. Plus jamais les choses ne seront comme avant, ça ce fut très clair dès le début pour moi. La "malbête" reste tapie dans un coin de la conscience et l'on s'en méfie, on la craint, on l'appréhende tout en tentant de la rejeter de toutes ses forces. La connaître, déjouer ses armes, la combattre au mieux pour que plus jamais elle ne revienne. Et pourtant aussi se savoir impuissant quant à l'influence des pesticides et autres facteurs environnementaux sur lesquels nous ne pouvons avoir de prise immédiate: nous ne pouvons que les subir en attendant les résultats d'une prise de conscience collective suffisante pour qu'une volonté politique en fasse un vrai problème de santé publique. En attendant, il y a la peur "que ça recommence"... Du moins peut-on agir pour être en forme physique et morale. C'est ce que nous faisons du mieux possible.
Pour elle, la peur a peut-être été moins présente sur l'instant, emportée qu'elle était par l'enchaînement des traitements, la prise en charge médicale très présente, l'envie d'avancer et de passer chaque étape jusqu'à la convalescence. Puis l'idée d'une nouvelle vie, forcément meilleure puisque le goût de la vie revient en force et probablement plus puissamment qu'avant! Comment ne pas avoir envie de vivre plus fort quand on sent qu'on l'a échappé belle et qu'on mesure sa chance de s'en sortir somme toute tellement bien, pas de mutilation, pas de métas, le pronostic vital tout ce qu'il y a de plus favorable, "vous êtes en rémission complète madame".
Mais c'est dans l'après aussi qu'on se rend compte que l'on n'est pas immortel: alors la peur que ça recommence, la peur de mourir deviennent terrible. Et là on se met à vouloir changer sa vie, pour ne plus être dans le contexte qui a peut-être été favorable à la croissance de "la chose de mort" la première fois. Ce boulot qui est parfois si pesant, cette entreprise qui tient cahin-caha, où un deuxième cas de la maladie s'est déclaré cette année chez une femme encore un peu plus jeune, elle s'est dit qu'il fallait en changer! Candidatures spontanées, réponses à des annonces, entretiens, etc. mais du boulot ça ne se trouve pas sous le pied d'un cheval comme disaient les vieux, et l'entreprise brinqueballante, il a bien fallu y retourner. Par une belle journée d'août. Mon père est décédé le lendemain. D'un cancer.
Alors elle va changer quelque chose dans l'éducation de son petit, elle va l'inscrire dans une autre école, plus stricte, plus "cadrante". Combat de l'été pour elle pendant que mon père se meurt, mais nouvel échec: le père du gosse et le fils se cabrent et freinent des deux pieds. Comme d'habitude, "Junior ira où il voudra", dixit son père. Il ira donc dans le même collège que son frère aîné en son temps, sauf qu'il n'est pas son frère et qu'il ne se met pas au travail tout seul celui-là. Il ne s'y met que contraint et forcé... Mary L s'est pris la tête tout l'été pour que rien ne change et qu'une difficile année avec l'enfant commence. Enfant qui, fort de sa victoire, tient tête et s'oppose tant qu'il peut. Un long combat de mère commence, pour faire de lui un homme heureux, si tout va bien.
Avec le grand en pleine adolescence, ça ne va pas fort non plus à la rentrée des classes. Impossible de fixer les week-ends comme on veut, matches supplémentaires, emploi du temps difficile. Pire même, il se met à revenir à la maison en faisant la gueule. Pour quelqu'un qui a envie d'une vie simple et facile, qui rêve de légèreté et de ne plus se prendre la tête, ce n'est pas évident de décoder la première crise affective de son gamin qui a bien du mal à gérer ses émois amoureux débutants. Il se prend même un "si c'est pour faire la gueule, tu n'as qu'à rester dans ta pension le week-end après tout".
Alors elle va changer de vie tout court. Parce que cette femme avec qui elle vit, si c'était à cause de ça qu'elle était tombée malade après tout? C'est peut-être parce qu'elle ne vit pas la vie qui lui convient que le malheur a frappé! Alors ne pas continuer cette vie, c'est empêcher que le mal ne refrappe une seconde fois... Crise de couple, crise d'identité très forte, homophobie intériorisée poussée à l'extrême et j'en passe. L'après cancer lui fait l'effet d'une seconde crise d'adolescence, elle rêve de tout reconstruire différemment, se revoit ado dans sa famille avec ce qu'ils lui disaient alors, se met à rêver d'une autre vie, de devenir hétéro pour ne pas passer à côté de sa vie, si jamais c'était pour ça qu'elle était faite alors! Elle oublie qu'elle a quarante ans et non quinze (quinze ans, c'est son fils aîné qui va les avoir!...), rêve d'une autre vie non coupable où tout est rose, où tout le monde s'aime, où tout le monde fait tout ce qu'il veut quand il veut, où personne ne s'en veut, où les gamins s'élèvent tout seul sans conflit, où il n'y a plus ni obstacle, ni maladie pour personne. (*) L'île aux enfants quoi. Sauf qu'elle grogne, juge, se méprend, se distord, se braque, se comporte en gamine divisée, torturée, hostile et révoltée, parfois juqu'à l'odieux, jusqu'au rejet de tout et de tous. Automne difficile. Mécanisme connu des oncologues, ça on l'a su il y a quelques jours!... Mais pourquoi ne nous met-on pas en garde, pourquoi un suivi psycho n'est-il pas systématiquement prévu pour gérer l'après?
Traversée du tunnel difficile. J'ai ployé sous l'orage, j'ai frémi pour notre amour que j'ai vu en perdition sur une frêle coque de noix prête à être engloutie par une déferlante plus puissante que les précédentes. Aujourd'hui, le plus noir de la tempête est passé. Un rai de lumière brille au fond du tunnel. Elle tient à nous. Elle tient à moi. Elle me l'a dit et je la crois. Elle a décidé de se faire aider et de faire le point / faire la paix avec elle-même. Je la sens déjà un peu apaisée et prête à goûter plus sereinement le regain de vie qui est le très bon côté de l'après. Les ajustements à trouver, nous les trouverons. Ensemble.
(*) Le 9 octobre j'apprenais que le traitement hormonal de m*§@* que j'ai pris pendant six mois et qui m'a valu bien des déboires en plus des cinq kilos gagnés dès le deuxième mois, j'apprenais donc que ce truc n'avait servi à rien et que je devais passer sur le billard pour retirer ces saloperies de polypes de mon utérus. L'intervention est prévue le 19 décembre, plus ça approche et plus je stresse, ça a beau ne pas être une question de vie ou de mort, je crains la douleur, la fatigue postopératoire, ou pire le diagnostic supplémentaire au réveil (**), bref je n'arrive plus à envisager les choses sereinement. Je pense aussi que cette nouvelle-là a dû rajouter un stress supplémentaire à ma belle, à un moment où elle avait du mal à affronter ce genre d'info. L'hôpital, on en a notre dose faut dire. Vraiment besoin de vacances...
(**) faiblement probable il est vrai... mais l'an dernier le risque qu'elle ait un cancer était si infime, si minime, si minuscule, et pourtant... alors maintenant j'ai peur tellement plus facilement. Même si je sais qu'il ne faut pas se projeter dans l'avenir, il y a des moments où l'esprit gamberge! Heureusement à d'autres plus nombreux, c'est moi qui tiens les rênes et l'empêche de battre la campagne! N'empêche..., que tout cela nous a rendues vulnérables!
08:35 Publié dans Lame de fond | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : Vaincre la maladie, vivre
05 juillet 2007
Une bonne nouvelle
Il en faut!
Aujourd'hui, ma belle a repris le travail en mi-temps thérapeutique après quatorze mois d'arrêt.
Ca veut dire qu'elle fait deux jours de boulot tout de suite et qu'après, avec les congés restants (non pris de 2006), elle n'y retournera que le 20 août.
Yeah!
18:20 Publié dans Lame de fond | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Vaincre la maladie, vivre
14 mai 2007
Douche écossaise
En bref:
Jeudi 10 mai, première mammo-écho de contrôle de ma belle, à 7 jours du premier anniversaire de son opération: RAS, tout va bien. Et bien non, on ne saute pas de joie tout de suite, on commence d'abord par décompresser, par relâcher la vigilance: ça y est, on n'est plus dans l'attente du résultat, ni dans cette forme d'expectative bizarre, moitié tu-te-sens-bien-donc-t'as-sûrement-plus-rien, moitié mais-avec-cette-saloperie-de-maladie-on-ne-sait-jamais, alors il faut prendre le temps de digérer l'information et passer en mode "vigilance en sommeil ". Et puis il va falloir repenser la vie autrement, gérer " l'après ", refaire des projets le coeur léger, gérer la reprise du travail après plus d'un an d'arrêt, etc... Donc l'explosion de joie arrive habituellement en léger différé. Ben nous, on n'en a pas eu le temps.
En effet, vendredi 11 mai, coup de fil atterré de my mother: mon père a très mal à nouveau dans les os du bassin, elle le conduit à l'hôpital. Le soir, il est rentré chez lui. C'est reparti avec la morphine comme en octobre, sauf que là, plus de traitement de la dernière chance. Car, suite à sa demande, il vient de faire l'objet d'un protocole d'essai chimiothérapique durant six mois: bilan, la souffrance a reculé, mais pas le cancer. N'empêche, c'est inestimable ça, six mois de vie de gagnés. Les autres ont été malades à crever avec le traitement, lui, malgré son grand âge, l'a très bien supporté, ce qui épate tout le monde. Le cancer hélas, a refusé de céder du terrain, et a juste été un peu ralenti dans sa marche de mort. Et maintenant il n'y a plus aucun traitement curatif envisageable: nous en sommes au stade dit chimiorésistant, hormonorésistant, radiorésistant. Plus d'armée sur le champ de bataille, la maladie avancera inéluctablement vers sa victoire, qui signera sa mort à elle aussi, il y a une justice.
Palliatif
Aujourd'hui c'est le long combat final contre la douleur, lutte que j'espère efficace. Jusqu'au bout. Parce qu'il a des métastases partout ou presque, notamment dans les os les plus importants du corps, et que c'est extrêmement douloureux quand la souffrance s'installe. Il est dans le déni complet de sa maladie, il y a quelques jours encore, il se disait " guéri" au téléphone, clamant " c'est un miracle! ". Dans ce déni, nous devons le laisser maintenant. Il nous faudra l'accompagner jusqu'au bout avec le moins de souffrance possible, et je l'espère le plus longtemps possible chez lui.
Je souhaite que les soins palliatifs soient au point, parce que cet homme-là a un amour de la vie rare et qu'il ne la lâchera pas facilement. Pour ce qui est des sites traitant des soins de fin de vie, j'en ai trouvé beaucoup au Canada en bonne place sur Google, je souhaite que nous soyons à la hauteur ici aussi. Personnel soignant, membres du corps médical, si vous avez des renseignements récents sur les solutions vraiment efficaces, merci de me les indiquer.
Quant à ma mère, il n'y a pas de ' traitement ' pour elle, qui doit affronter cette fin lente et inexorable avec courage et tristesse. Comme il doit être dur d'accompagner sur sa dernière route le compagnon de toute une vie! Et d'affronter sa propre vieillesse sans ce compagnon de route auquel elle est tant habituée, bon an, mal an... En tout cas, elle, c'est comme cela qu'elle voit les choses, et je sens que je vais avoir beaucoup de mal à les lui faire percevoir autrement. Et puis, soyons honnête, je ne me verrais pas du tout la continuer sans ma douce, la mienne de route, après encore pas tout à fait sept toutes petites années ensemble, alors...
16:15 Publié dans Lame de fond, Société, Tristesse | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Vaincre la maladie, vivre
14 avril 2007
One year!
Aujourd'hui ça fait pile un an. Un an depuis l'annonce de cette saloperie foutue maladie de merde #§x@+*& !
Pas bon ce genre d'anniversaire. Ca fout la trouille! Que de questions!
Comment être sûre qu'on ne s'en refabrique pas un de crabe? Comment être sûre qu'on a bien tout compris et qu'on ne se remettra pas en situation d'en héberger un, d'affreux bestiau qui te bouffe dedans sournoisement pour avoir ta peau?
Avec tout ça en tête, elle a peur et elle est triste aussi. Triste de se sentir encore fatiguée, parfois.
Pas si souvent d'ailleurs, moi je trouve, après ce qu'elle a subi! Et courageuse avec ça, pour faire plein de choses à la maison et éduquer les enfants et m'aider aussi.
Je trouve qu'elle a la force de faire beaucoup et même de très bien s'occuper de son grand qui a subi une petite intervention cette semaine: elle n'a pas hésité à rester près de lui une nuit parce qu'il avait peur d'être seul après son opé, à sauter un repas parce qu'on n'avait pas prévu que ça se passe comme ça. Elle est restée auprès de lui pour parler de tout, pour faire passer la nuit plus vite et chasser la douleur, pour échanger des histoires de maman avec son grand fils, pour qu'il apprenne à grandir un peu plus, lui qui se fait tant d'illusions encore sur la vie et ne fait que découvrir qu'il faudra s'y battre!
Même que ça faisait rudement longtemps qu'on n'avait pas été séparées comme ça la nuit et qu'on était très très contentes de se retrouver, encore plus que quand elle partait deux ou trois jours en mission pour son boulot. Depuis la maladie, c'était la première fois que ça arrivait. D'habitude, moi qui aime tant veiller et travailler dans le silence de la nuit, je chasse les ombres de son sommeil avant de venir la rejoindre et la prendre dans mes bras pour ne pas laisser le mal se faufiler. Et je la sens toute endormie qui se blottit très fort contre moi, paisible et rassurée.
Elle est courageuse ma douce. Je l'admire et je l'aime.
16:25 Publié dans Aimer, Lame de fond | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Vaincre la maladie, vivre
22 janvier 2007
Rémission
Nous avons vu son oncologue cette après-midi. C'est rémission complète !
Elle a insisté sur le fait qu’il faut entre six mois et un an après la fin de la chimio pour que l’asthénie (grosse fatigue) disparaisse.
Et donc son arrêt de travail sera prolongé au moins jusqu’à fin juin. Et lorsqu'elle reprendra, ce sera en mi-temps thérapeutique. Prochaine mammographie/échographie en mai pour contrôle.
Je suis soulagée ! Nous sommes soulagées !
Je le vois bien qu'elle est fatiguée. Alors qu'elle, elle ne veut souvent pas se l’avouer.
Elle va prendre le temps. Elle va se ressourcer. Elle en a envie. Et moi je suis ravie.
22:35 Publié dans Lame de fond | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : Vaincre la maladie, vivre
16 janvier 2007
Tension
RV onco lundi prochain. Contrôles en vue.
Je suis comme un arc tendu, j'apprête ma flèche. Juste au cas où. Eventualité que tout mon être refuse. Rejette. Exclut.
Impossible de rester zen. Plus depuis la mort de F. le 28 décembre. Plus depuis que ... oh! tant de choses, mais à quoi bon les évoquer ici.
Cela me fait penser à ces mots lus dans les " Dialogues avec l'Ange ":
"Si tu enfonces un clou, tu lèves d'abord la main.
Le marteau s'éloigne, mais la force grandit ; elle s'abat.
S'éloigner de Dieu est une force merveilleuse.Il reste un dernier mur.
Il va s'écrouler si celui qui attaque n'avance pas, mais recule, prend son élan"
Ca me va bien ca, mais pourtant aujourd'hui je sens que cela ne me suffit plus...
Un peu plus loin, cette phrase aussi me touche:
"Ce qui a été, ce qui est, ce qui sera, c'est l'éphémère.
Ce qui se transforme -- le Nouveau -- est éternel."
Apprendre à aller avec le changement, à glisser toujours et encore dans le sens du courant. Etre à l'écoute, rester attentive aux autres, aux regards muets, aux demandes silencieuses, aux détresses cachées sous la provoc'. J'ai un travail merveilleux qui me permet de donner, de m'oublier, d'être tant sollicitée que j'en oublie de m'inquiéter... sauf quand je ne travaille pas et que je suis seule...
Lâcher prise, apprendre à accepter ce qui est et ce qui sera sans peur. S'apprêter à tous les combats sans bander l'arc trop tôt, ne pas oublier de regarder le paysage autour. Saisir les onces de bonheur éparpillées partout, toujours disponibles. Laisser l'alchimie intérieure se faire.
Happy je suis, happy je reste. Autrement.
16:35 Publié dans Lame de fond | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : Vaincre la maladie, vivre