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23 juin 2008

Libé

http://www.liberation.fr/
«Sur l’homophobie,
l’Education nationale est incontournable»
 
Il y aura, selon les organisateurs, 600 000 personnes dans les rues de Paris samedi lors de la Marche des fiertés (ancienne Gay Pride). Ce défilé est non seulement un événement festif mais aussi politique où tous les partis (sauf l’extrême droite) se font représenter. L’occasion aussi pour les associations de faire avancer des revendications d’égalité. Cette année, les organisateurs ont choisi comme slogan : «Pour une école sans aucune discrimination».
Alain Piriou, porte-parole de l’Interassociative lesbienne, gaie, bi et trans (Inter-LGBT), qui organise la Marche des fiertés, explique les raisons de ce choix.

Pourquoi ce mot d’ordre ?

Nous savons que ce n’est pas cette année qu’une marche de 500 000 personnes fera changer d’avis Nicolas Sarkozy, qui a clairement dit qu’il était contre le mariage et l’adoption par des couples de même sexe. Plutôt que de perdre notre temps, autant le mettre à profit pour avancer.

Cette année, on a choisi le thème spécifique de l’école. Sur la question de l’homophobie, l’Education nationale est un acteur incontournable. Le sujet reste difficile. Rien n’est gagné d’avance. Mais il vaut mieux se battre là où il y a un espoir d’aboutir à court terme.

Pourquoi est-ce un sujet difficile ?

C’est très dur de parler de sexualité à l’école. Tout ce qui touche aux adolescents est potentiellement un sujet d’hystérie collective. Et c’est peut-être encore plus dur de parler d’homosexualité. On nous dit : «L’homosexualité à l’école, c’est une affaire privée.» Personne ne dit que l’hétérosexualité est une affaire privée, elle s’affiche partout. Les jeunes à l’école ne sont pas désincarnés, ils ont une vie sociale, sexuelle, affective, qui peut être hétérosexuelle comme homosexuelle.

Mais on entend encore des recteurs d’académie résister à la délivrance d’agrément à des associations qui viennent parler de l’homophobie dans les classes. Ils nous parlent d’«atteinte à la laïcité», ou de «prosélytisme». On ne va pas convertir les têtes blondes à l’homosexualité ! Il y a encore beaucoup de barrières à lever.

Votre slogan n’est-il pas gentillet, alors ?

Ce n’est pas un slogan bisounours. Nous croyions que la question de l’homophobie était évidente pour tous. Qu’il y avait un clivage droite-gauche sur le mariage des couples de même sexe ou l’homoparentalité, mais pas sur la lutte contre l’homophobie. En fait, tout le monde a besoin de beaucoup d’explications. Y compris les plus basiques. Nadine Morano [secrétaire d’Etat à la Famille, ndlr], qui a un bon discours sur l’homoparentalité, parlait récemment de l’homosexualité comme «un choix de vie», alors que c’est loin d’être un choix.

Il faut souvent tout reprendre à la racine. Malgré les progrès, il y a des poches de résistance. L’homophobie est souvent décomplexée, pas forcément organisée, ni idéologique, mais elle est rémanente. Et elle s’exprime avec beaucoup de violence. On a remarqué que les auteurs des agresseurs homophobes sont souvent très jeunes : ils ont 20 ans, ou sont même mineurs. Cela veut dire qu’il faut redoubler d’efforts et de prévention.

De même, il faut vraiment travailler sur le mal-être des jeunes homos qui ont encore davantage de risques de se suicider que les autres. Dans la construction identitaire d’un jeune garçon aujourd’hui, il faut être viril, dominateur, et tout ce qui échappe à ce modèle est critiqué. Les filles qui veulent échapper à la domination masculine et les garçons désignés comme efféminés sont des cibles de choix. Il y a beaucoup de travail à faire pour contrer le machisme.

Ce message ne passe pas à l’école ?

Il passe par les infirmières scolaires, par certains enseignants. Mais dans la formation initiale, cette préoccupation n’est pas prise au sérieux. Là, on laisse chaque enseignant trouver lui-même les outils pour le faire. Or, parler de l’intimité n’est pas une chose facile. Il faut former les enseignants face à ces comportements discriminatoires.

Comment ?

Il faut par exemple permettre aux associations et aux professionnels d’intervenir dans les classes. Les professeurs ne peuvent pas tout faire. La loi de 2001 impose pourtant des cours d’éducation à la sexualité durant toute la scolarité, avec des objectifs d’acceptation de la diversité, de lutte contre les stéréotypes masculins-féminins, mais elle n’est pas appliquée.

Dans ce contexte, qu’attendez-vous de la circulaire de rentrée qui prend en compte l’homophobie ?

C’est un grand pas en avant. L’Education nationale est très hiérarchisée. Les proviseurs et les recteurs la prennent très au sérieux. La circulaire prévoit que l’école doit combattre les comportements violents et discriminatoires, en particulier l’homophobie. C’est important que ce mot apparaisse, noir sur blanc.

On a déjà des retours d’enseignants qui nous disent : «On en parle enfin !» Ce n’était même pas imaginable il y a encore un an. Avant on était reçu poliment dans les ministères par un conseiller chargé du handicap ou alors chargé des associations, celui qui est chargé de faire patienter les gens dans la salle d’attente. Cette année, les rythmes de réunions se sont intensifiés. Nous espérons que les syndicats d’enseignants aident les professeurs à se saisir de la circulaire. Dans les lycées et les collèges, il reste beaucoup à faire.

Alain Piriou de l’Interassociative lesbienne, gaie, bi et trans :
Recueilli par CHARLOTTE ROTMAN QUOTIDIEN :

 

12 avril 2006

Ado et homo (II)

L’adolescence est une période difficile par nature. L’homophobie et l’absence de traitement de la condition homosexuelle durant la scolarité sont des facteurs de risque accru de suicide chez l’adolescent gay...

Le suicide est la seconde cause de décès chez les jeunes de 15 à 24 ans et la première cause pour les 25 - 34 ans. De plus, et selon les études, le taux de suicide (et de tentative) chez les adolescents homosexuels ou bisexuels est entre 6 et 14 fois supérieure à celle de la population hétérosexuelle d’une même classe d’âge. Les raisons principales de ce douloureux constat sont diverses. D’une part, un contexte socio culturel discriminant, une imagerie péjorative de l’homosexualité, propos et actes homophobes. Autant de causes de mal-être et de souffrance des jeunes gays et lesbiennes. D’autre part, l’absence de traitement de la question homosexuelle durant la scolarité, l’hétérocentrisme, le défaut de visibilité d’une communauté adolescente gay et le déni même de son existence n’assurent pas un environnement propre à prévenir suicides, dépressions, comportements à risques, agressions et propos homophobes.


Il ne faut pas confondre homosexualité, pratique homosexuelle et désir homosexuel.

A l’adolescence la transformation pubertaire et la recherche identitaire brouillent les genres. De nombreux jeunes découvrent en même temps que leur corps celui de leurs congénères, la fameuse séance de douche post EPS, et leur sexualité. Les phénomènes de groupe et de " bande " conduisent dans ce contexte à des désirs homosexuels voire des pratiques homosexuelles sans pour autant que l’adolescent soit gay par nature.
Par définition l’adolescence est une période difficile. Elle se traduit par une recherche et une quête identitaire ou l’adulte en devenir cherche autant une identité propre, à s’affirmer individuellement, que désire s’inscrire dans la communauté et appartenir à un groupe, à s’identifier collectivement.
Dans ce schéma, le jeune gay ou la jeune lesbienne, subit cette période avec d’autant plus de difficulté que son homosexualité est une cause supplémentaire d’isolement et de sentiment de rejet. Les études nord américaines ont montré que le premier sentiment d’être Gay intervient souvent dès la pré adolescence et environ 6% des jeunes entre 15 et 18 ans se déclarent attirés par le même sexe à l’exclusion ou non d’une attirance pour le sexe opposé.


La condition de l’adolescent homosexuel reste l’un des derniers tabous de notre société au prix d’un taux de suicide fortement plus élevé, et a fortiori de tentative et de dépression, que celui de la communauté hétérosexuelle.

Ces même études ont démontré que ce fort taux n’est pas dû à l’homosexualité proprement dite de l’adolescent gay mais à l’environnement socio culturel de celui-ci qui le pousse à cette extrémité. En l’absence d’étude française, voire européenne, nous ne disposons pas de statistiques pour notre pays. Craignons qu’elles soient proches.

Nous pouvons faire le constat simple qu’une minorité de jeunes gays et lesbiennes s’assument, se revendiquent et vivent librement leur homosexualité au risque de faire l’objet d’un rejet de leurs camarades, de propos ou actes homophobes ou de se couper de leur milieu familial.
La grande majorité préfère se cacher et adopter une " stratégie de survie " dans un environnement qui ne les reconnaît pas. L’hétérocentrisme flagrant de la population en général, et de la population adolescente, en particulier, amène les jeunes gays à adopter les codes de genre de leurs camarades hétérosexuels qui tiennent des propos ou commettent même des agressions homophobes. De victime, certains préfèrent la condition de bourreau. A quel prix ? Celui de la négation de soi, d’une distorsion entre son identité propre et une identité exprimée, causes de mal être.
Pour les autres, ils sont l’objet de moqueries ou d’un rejet de leurs camarades sur de simples constations de différenciation (look, comportement dit "efféminé" pour les jeunes gays et de "garçon manqué" pour les jeunes lesbiennes), bien que pour beaucoup il ne s’agisse que de brimades sans incidences.
Les adolescents, pas plus que les adultes, ne mesurent les conséquences néfastes de telles attitudes sur des individus fragilisés ou marginalisés. Les jeunes hétérosexuels ne prennent pas la défense de leurs camarades faisant l’objet de telles brimades de peur d’être catalogués eux-mêmes Gays et de faire l’objet à leur tour d’une exclusion du groupe. Les intéressés, à défaut d’interlocuteurs à même de les écouter, n’osent pas se plaindre d’un tel traitement de peur de se dévoiler.


Ce tableau vous paraît bien noir ?
Pourtant, c’est celui auquel est confrontée quotidiennement et de manière solitaire la majorité des adolescents homosexuels et qui les conduit jusqu’au suicide. Néanmoins, des comportements prédéterminants et des signes permettent de détecter et de prévenir les troubles de l’adolescent gay : échec scolaire, forte consommation d’alcool ou de tabac, prise de drogues ou de médicaments, crises maniaco-dépressives. Mais n’est-ce pas déjà faire le constat de l’échec de notre société à assurer un traitement raisonné de l’homosexualité des adolescents comme fait social ?

Aussi, la cause de la souffrance des adolescents gays, soit l’environnement socio-culturel dans lequel ils évoluent, peut devenir l’élément même de leur épanouissement et de l’admission de leur homosexualité. Il est désormais temps que le système scolaire, lieu de vie et d’apprentissage de la jeunesse par excellence, ouvre les yeux. 80% de taux de réussite au Bac. A la bonne heure! Quand un pourcentage significatif de la population adolescente est en état de souffrance il importe d’avantage de les assister et les aider que d’en faire des bacheliers dépressifs ou suicidaires. N’est-ce pas le rôle même de l’enseignement laïc et républicain que de former des êtres autonomes et accomplis ? L’accès à la citoyenneté, voeu pieu de l’enseignement, et l’éducation de nos adultes en devenir pourraient s’enorgueillir d’un traitement de la condition homosexuelle propre à garantir nos libertés publiques et soucieux du respect des libertés individuelles de chacun.


A notre époque, l’homosexualité est le dernier sujet tabou à l’école.

L’éducation sexuelle n’est envisagée que sous l’angle reproductif, j’oserais dire technique ou de sa maîtrise, la contraception. Ou alors, la sexualité est abordée sous un angle négatif, celui des MST. De plus, et en l’absence d’un traitement médiatique, culturel, littéraire voire même musical de l’homosexualité durant l’adolescence, les jeunes gays et lesbiennes ne trouvent aucun élément commun d’identification nécessaire à leur sentiment d’appartenance à un groupe ou même propre à leur montrer qu’ils ne sont pas seuls, brisant ainsi le sentiment de solitude qui les animent. L’imagerie traditionnelle adolescente (feuilletons, émission real TV, BD, films d’action) ne montre souvent qu’une image unique et stéréotypée, celle d’une adolescence exclusivement hétérosexuelle, même virilisante et machiste.


Il appartient à l’éducation nationale d’entretenir une image réelle de l’homosexualité, non prosélyte, en traitant objectivement le fait homosexuel et en l’insérant dans les programmes (cours d’éducation aux sexualités, approche historique de la question gay, approche de l’homosexualité sous l’angle des libertés publiques au même titre que le racisme, la xénophobie) et en sanctionnant les propos et actes homophobes au sein des établissements.
L’éducation nationale devra, outre une formation et une sensibilisation de son personnel à ces questions, vaincre ses propres réticences quand on sait que beaucoup d’enseignants gays se cachent de peur de perdre leur crédibilité, et au-delà leur autorité, face aux élèves ou d’être invectivés par les parents d’élève ou l’administration.


L’assistance individuelle de l’adolescent homosexuel doit aussi être renforcée.

Quand celui-ci a peur de se confier à ses parents ou un camarade il doit pouvoir trouver un endroit propre à le sécuriser et à l’écouter. La prise en charge individuelle de la détresse d’un jeune gay est une priorité absolue mais le manque de moyen du personnel social au sein des établissements scolaire est criant. Psychologues scolaires, assistantes sociales, infirmières scolaires font défaut. Pourtant ils sont souvent les premiers témoins de confidences et les plus à même à détecter un malaise latent qui peut dégénérer en drame suicidaire.

Enfin, il est regrettable de constater qu’un écart s’opère entre la condition des jeunes gays et lesbiennes et celle de leurs aînés. Ces derniers ont su s’organiser, se réunir, se rassembler pour faire avancer leur condition alors que les plus jeunes d’entre eux voient encore leur existence niée et leur condition laissée à l’abandon. La société n’a t-elle pas pour devoir de reconnaître et de porter assistance à une partie de sa jeunesse ? A défaut c’est son avenir même qu’elle compromet.

Source: Homoedu

03 avril 2006

Ado et homo (I)


Familles, ô familles!

Aidez-les,

aimez-les,

ils ont tant besoin de vous!

 

"Ce n'est pas l'homosexualité qui conduit les jeunes homosexuels au suicide, mais plutôt les conditions de vie dans lesquelles ils vivent. D'où l'importance de leur donner le droit de parole et de les écouter, dans un monde encore peu ouvert à la diversité sexuelle."

C'est ce qu'a expliqué Simon Louis Lajeunesse, lors d'une conférence donnée sur le campus en février 2005 dans le cadre de la Semaine de la prévention du suicide. Étudiant au doctorat en service social, Simon Louis Lajeunesse a livré les résultats d'une recherche réalisée en 2001 auprès de 40 répondants, dont 32 étaient homosexuels. Tous les participants, dont l'âge variait entre 18 et 35 ans, avaient fait au moins une tentative de suicide, certains dès l'âge de 11 ans.

L'enquête a permis de dégager deux profils de répondants: les "précoces", identifiés très tôt comme homosexuels par leur entourage, soit entre 6 et 14 ans, et les "tardifs", dont l'homosexualité a été révélée vers la fin de l'adolescence ou au début de l'âge adulte, souvent à la surprise générale de leurs familles ou de leurs amis. "Tous les répondants homosexuels ont ressenti depuis l'enfance qu'ils étaient différents, sans pour autant être en mesure de mettre des mots sur cette impression", constate Simon Louis Lajeunesse.

À partir des récits de vie de ces jeunes, le chercheur a identifié quatre types, correspondant à autant de scénarios. D'abord, le gars parfait, excellent élève, qui essaie de racheter sa "faute" en visant la perfection. Ensuite, "le fif de service", souvent efféminé, celui qu'il ne faut pas être, nécessairement "précoce", donc très tôt victime de harcèlement et de discrimination. Puis, le caméléon, un "tardif" qui prend les couleurs de son environnement et qui vit dans la peur constante de se faire prendre. Enfin, le rebelle. Pour se faire accepter, il n'hésitera pas à fréquenter des gangs de rue, par exemple. Cela étant dit, de souligner Simon Louis Lajeunesse, certaines personnes vont tenter de "contourner" un scénario ou en essayer un en particulier, pour l'abandonner ensuite. But de l'opération pour ces jeunes hommes en mal d'acceptation: se sentir bien dans leur peau, en harmonie avec leur environnement.

Briser le silence
"Les parents qui savent ou se doutent que leur fils est homosexuel ont peur de nommer les choses, de crainte d'encourager leur fils à l'homosexualité ou, tout simplement, à cause de la honte qu'ils ressentent eux-mêmes du fait d'avoir un enfant homosexuel, note Simon Louis Lajeunesse. À l'école, les jeunes étiquetés comme homosexuels ne savent jamais quand et où on va les insulter, les menacer ou les agresser. Aux dires de nos répondants, aucune figure d'autorité n'intervient lors des agressions. Le plus insidieux, c'est que les rares fois où un jeune se plaint auprès d'un responsable d'être harcelé, il se fait dire que c'est à lui de se défendre."

Devant la dévalorisation dont il est victime et qu'il finit par intégrer, le jeune homosexuel voit dans le suicide la seule façon de mettre fin à son cauchemar. Évidemment, tous les jeunes hommes identifiés comme homosexuels ne tentent pas de se suicider. Parmi eux se trouvent des résilients, qui ont la capacité de s'en sortir, même après avoir vécu du rejet pendant des années. C'est justement cette capacité de résilience qu'il faut développer chez les jeunes, estime Simon Louis Lajeunesse. "Il faut briser le silence, tendre la main et respecter la diversité sexuelle. Il suffit parfois d'un détail comme un dépliant sur l'homosexualité qui traîne dans la salle d'attente du médecin, ou d'une affiche sur la question sur les murs de l'école pour que le jeune homosexuel qui se sent isolé sache qu'il n'est pas seul au monde. Dans le meilleur des cas, il peut décider de se confier à un adulte en qui il a confiance. Autrement, l'idée d'en parler à quelqu'un à l'esprit ouvert peut faire lentement mais sûrement son chemin."