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15 juin 2008

Parce que c'est foutrement beau

Le dernier et émouvant hommage de Pierre Bergé à YSL, suivi de la chanson de Brel :

Note à moi-même: bon ben j'me dis juste que 50 ans de vie commune avec une femme, je connaîtrai pô vu mon âge... ou alors je vais vous emmerder vraiment très très longtemps... faites gaffe on n'sait jamais j'en suis capable...

31 mai 2007

Jouissif!

Oh! Non,  madame, vous n'êtes pas cacochyme, loin s'en faut!

 

Blog de Geneviève Pastre, article du 24 mai 2007 

 

Le coup du photocopieur tout en un, inimitable! Mais tout ça, c'est très sérieux aussi, surtout le deuxième consul pour surveiller le premier! Alors, vous savez ce qu'il vous reste à faire dans quelques jours, hein? 

22 janvier 2007

Hommage

LA MORT DE L'ABBE PIERRE

"Un Bernard Tapie de l'Evangile"

NOUVELOBS.COM | 22.01.2007 | 19:13

par Serge Raffy,
rédacteur en chef,
chef du service Notre Epoque
au Nouvel Observateur

 

Les positions de l'abbé Pierre sur l'ordination des hommes mariés et des femmes, ou encore sur l'homoparentalité, ont-elles permis d'infléchir les débats sur ces questions au sein de l'Eglise ?

- Dans cette affaire, il a agi comme un franc-tireur. Il a affiché ces positions en octobre 2005 (dans Mon Dieu… pourquoi ?, éd. Plon), en réponse à la désignation du pape Benoît XVI. A ce moment-là, on pouvait craindre un retour à l'orthodoxie de l'Eglise. L'intervention médiatique de l'abbé Pierre ne s'est pas faite au hasard. C'est un avertissement qu'il adresse à l'Eglise : si elle veut continuer d'exister, elle doit être en phase avec son temps. Quand il parle de sa sexualité, il parle de la sexualité de tous les prêtres. C'est un message pour eux. Il leur offre de sortir du piège de la chasteté, qui éloigne les hommes d'Eglise du troupeau. C'est un message quasi-évangélique. L'abbé Pierre utilisait habilement les médias, comme Jean-Paul II. D'où l'interview choc qu'il a accordée à Marc-Olivier Fogiel. L'impact médiatique de cet entretien a été énorme, à la limite du scandale, digne d'un éventuel retour à l'ultra-orthodoxie. Il ne faut pas oublier que l'abbé Pierre a été député MRP dans les années 1950. Il connaît les rouages de la politique et des médias. C'est un Bernard Tapie de l'Evangile, habile et rusé à l'égard des médias.

Ces prises de positions ont-elle entaché ou, au contraire, accru la popularité de l'abbé Pierre, notamment parmi les catholiques ?

- Certains de ses proches lui ont tourné le dos. Les milieux catholiques orthodoxes aussi, bien sûr. Mais une grande partie des chrétiens français ou européens ont compris son message, car ils vivent la désaffection des églises au quotidien. Ils ont compris qu'il faut prendre une autre voie, pour éloigner l'Eglise de la faillite. Il y a d'abord eu un mouvement de rejet, puis tous ceux qui veulent transformer l'assise populaire de l'Eglise l'ont suivi. Ces idées devaient surtout permettre d'enrayer la crise des vocations. Le mariage des prêtres, c'est un slogan très efficace. L'abbé Pierre connaissait très bien l'état des forces de l'Eglise, et se demandait comment continuer à transmettre son message. C'est d'ailleurs pour cela qu'il a reproché à Marc-Olivier Fogiel de ne l'avoir interrogé que sur le sexe, pas sur l'eucharistie. Dans son livre, il évoque l'amour. Il révèle ses relations sexuelles passagères, mais surtout son amour platonique avec un jeune homme. Pour lui, l'amour unit deux êtres libres : il est beaucoup plus varié que ce que dictent les dogmes de l'Eglise catholique.

Pensez-vous que les autorités religieuses vont honorer sa disparition ?

- C'est évident. Elles vont lui rendre un hommage appuyé. L'Eglise n'a jamais puni l'abbé Pierre. Il n'a pas été excommunié. Cela prouve que s'il n'était pas un saint, il était très protégé. Il parlait d'ailleurs que de l'Eglise, "d'une autre montagne". Il était un "insurgé de Dieu", il a lancé, dans les années 1950, une "insurrection de la bonté". Les mandarins de Rome n'aiment pas beaucoup le mot insurrection, mais ce rebelle a fait beaucoup plus pour la religion qu'aucun évêque depuis des décennies.

Propos recueillis par Julie Coste (le lundi 22 janvier 2007)

 

L'abbé Pierre c'est toute mon enfance. C'est l'un des personnages publics les plus marquants des années cinquante. J'ai grandi auprès d'adultes qui parlaient de cet homme avec admiration, ou mépris c'est selon. Comme c'est le cas avec ceux qui marquent les autres et ne peuvent laisser personne indifférent. Et puis j'ai toujours eu un faible pour les rebelles.

La critique c'était par inconscience ou ignorance, optimisme béat, égoîsme du nanti. Comme souvent devant les êtres d'exception, devant ceux qui se moquent du qu'en dira-t-on et bougeraient des montagnes tant leur amour de l'autre est fort.

Il était de ceux qui se lèvent juste un plus tôt le matin et portent la lampe pour éclairer le chemin des autres. C'est ça un vrai guide, rien à voir avec un gourou, juste celui qui a trouvé la lumière et qui aide l'autre à ne pas se perdre. Rien de plus, rien de moins. Même s'il lui fallait parfois la coller sous leur nez pour qu'ils cessent de refuser de voir la misère à leur porte.

Souhaitons que d'autres lumières viennent éclairer notre société et continuent à la faire évoluer vers plus d'humanité. Souhaitons que l'hommage rendu soit pour l'oeuvre et l'esprit, et non par pure raison politique.

22:20 Publié dans Célèbres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hommage, société

11 avril 2006

Vous ne direz plus que vous ne le saviez pas!

"Celles et ceux-là se sont toutes officiellement déclarés", annonce le site COMING-OUT .

Pas tout-à-fait exact, certains ont été outés et ça, c'est pô beau!

Regardez surtout QUI ils sont: réalisateurs/trices, actrices/teurs, politiciens/ciennes, écrivaines/vains, savantes/savants, musiciennes/ciens, artistes de tout poil, comiques, journalistes, PDG (là que des mecs... sans commentaire, sinon je vais être désagréable, je le sens), sportifs/sportives, et tant d'autres!

Oui nous sommes partout (arrêtez de flipper, m'enfin!).

Non, nous ne sommes pas haïssables (pas plus que les hétéros, et pas moins que certains d'entre eux).

C'est ainsi que va le monde: il est fait de diversité sexuelle, ce qui n'empêche en aucun cas notre humanité!

Et c'est ce qui compte!

16:25 Publié dans Célèbres | Lien permanent | Commentaires (3)

23 janvier 2006

Une lesbienne gagne le prestigieux prix Whitbread du meilleur roman!



J'apprends qu'Ali Smith a remporté le prestigieux prix Whitbread (Royaume-Uni) pour le meilleur roman de 2005. L'Écossaise a été couronnée le mercredi 4 janvier pour son livre The Accidental. Ali Smith, l’écrivain d’Inverness aujourd’hui basé à Cambridge (sud est de l’Angleterre) s’est imposée face à de très grands noms de la littérature britannique, Salman Rushdie ("Shalimar le clown") et Nick Hornby ("A long way down") notamment.
Déjà finaliste à deux reprises pour le Booker Prize, le plus célèbre des prix littéraires britanniques, en 2001 et 2005, Ali Smith a enfin décroché la récompense avec l’histoire d’Ambre, une femme qui va totalement bouleverser la famille Smart en débarquant à l’improviste sur le pas de sa porte, dans le Norfolk.

Son roman raconte l'histoire d'une femme mystérieuse qui séduit le fils adolescent d'une famille en vacances sur la côte est anglaise, semant le désordre dans leur vie, le tout sur fond de guerre en Irak. The Accidental, comme tous les livres de l'auteure jusqu'à présent, est dédié à sa compagne Sarah, avec laquelle elle vit depuis 18 ans.

Professeur d'université en Ecosse, Ali Smith avait abandonné son poste, victime de fatigue chronique, il y a quelques années, pour se consacrer définitivement à l'écriture. "The Accidental" est son troisième roman, après "Like" (1997) et "Hotel World" (2001). Il est maintenant en lice pour le prix Whitbread du meilleur livre de l'année, qui met en compétition les lauréats de 5 catégories: roman, premier roman, biographie, poésie et livre pour enfants. Ce prix, décerné le 24 janvier, est accompagné de 36.000 euros.

Cela m'inspire quelques réflexions:
* Tant mieux si une lesbienne voit son talent reconnu, ce n'est pas si souvent que cela arrive!.
* Je regrette toutefois que son histoire ne soit pas homo, cela fait un moment que je n'ai pas lu de bon roman homo, pas depuis les romans de Sarah Waters je crois.
* C'est bien, un prix de 36000 euros, pour une fois qu'un écrivain ne crève pas de faim, mais ça, c'est pour le ou la meilleure! Les autres peuvent continuer à faire la manche...

20 janvier 2006

MIREILLE HAVET DE SOYECOURT:

"Le monde entier vous tire par le milieu du ventre"

Ecrivaine prodige, Mireille Havet publie son premier livre lorsqu'elle a 17 ans. Reconnue immédiatement par Colette, Cocteau, Apollinaire, E. Jaloux, Rachilde, Natalie Barney..., Mireille Havet affiche précocement également son amour pour les femmes (Madeleine de Limur, Marcelle Garros) et son penchant pour les stupéfiants. Elle brûle sa vie très vite et meurt, malade, seule et pauvre à 34 ans. A travers ses écrits, c'est le Tout-Paris mondain et littéraire qui revit et c'est une personnalité passionnée, lucide, au destin fulgurant, que l'on découvre.

C'est à Paris, la nuit du 30 octobre 1918, un mercredi, que débute le journal de Mireille Havet («Journal 1918-1919», par Mireille Havet, Editions Claire Paulhan). Douze jours avant la fin officielle des hostilités. «L'avant-guerre tombe en poudre», note-t-elle. Née à Médan, en région parisienne, le 4 octobre 1898, Mireille Havet est âgée de 20 ans et elle n'a plus qu'à peine quatorze ans à vivre, sourdement délitée par les mélanges de stupéfiants et le manque. En 1918, elle a déjà vécu une bonne part de sa carrière d'enfant prodige de la littérature, «petite poyétesse» couvée par Guillaume Apollinaire. Bien avant Paul Nizan, Mireille Havet voit ses vingt ans comme « l'âge de l'amertume » : « A force d'exigences et de retombements, de projets et de défaites froides comme l'averse qui donne la fièvre dont on crève à vingt ans, je n'attends plus rien que moi-même.»

Amie de Cocteau et de Copeau, lectrice avide de­ Gide, Colette, Maeterlinck, Claudel, Walt Whitman...­ la jeune Mireille Havet est donc pleinement consciente que le monde d'avant est «décoloré», fini, plombé. Comme Apollinaire, l'ami d'enfance, mort deux jours après l'armistice et qu'elle enterre. Il fut longtemps l'invité de ses parents, ainsi que Paul Fort et bien d'autres poètes et artistes postimpressionnistes et symbolistes, auxquels le père de Mireille était très lié. C'est grâce à Apollinaire que, adolescente insoumise ayant fui le lycée, elle publie ses premiers écrits dans des revues d'avant-garde, dont Soirées de Paris, qu'il dirigeait. Les pages qu'elle consacre à son enterrement au cimetière du Père-Lachaise disent sa douleur, son indignation devant la mort : « Notre pauvre Guillaume, dans cet affreux cimetière plein de petites maisons bourgeoises... comme des cabinets, d'inscriptions idiotes, de noms ridicules que soulignent de vieilles perles. [...] Et nous l'avons laissé. Que pouvions-nous faire ? Nos larmes étaient bien peu en comparaison de notre désespoir. Que c'est bête ! [...] Je me sens diminuée de tous ces êtres en moins. »

Ce Paris insomniaque qui l'appelle lui procure un mélange nerveux d'ennui et d'exaltation, «quelque chose que j'ignore mais qui doit m'appeler, me désirer quelque part, et je n'éprouve pas de calme à rester chez moi. Il faut que je sorte, que j'achète, que je parle...» . La dérive moderne s'effectue en automobile ; ainsi décrit-elle l'équipée d'une première sortie en voiture. «Nous étions là cinq fous de 18 à 22 ans, cinq fous échappés plus ou moins entiers à la guerre afin de reprendre cette bête d'existence et de la perpétuer encore un peu (...) durant nos vies oisives et criardes d'enfants têtus. Olivier aux épaules bleu de ciel entourées de fourragères. Tania Stall jolie et distinguée (...). Mima en grande tenue d'infirmière et sa bonne figure tannée par le vent, par l'espace, par la guerre. Et Sacha, enfin, beau comme un ange... sur trois jambes dont deux, hélas, sont en bois.»

En quelques mots, surgit devant nos yeux une génération à la fois libre et abîmée, âge tendre et jambes de bois, que «parachève et parafine chaque jour la vie parisienne et son fouet à neuf queues». L'effet stupéfiant du Journal de Mireille Havet tient d'abord à sa capacité de formuler d'une phrase superbe ce récit parisien, d'imager «le sucre triste» de Paris sous la neige, les odeurs de ses nuits, de ses tangos, de ses chapeaux, de sa mélancolie. Avant tout, il est merveilleusement écrit.

L'autre bombe que recèle cet écrit autobiographique est celui d'une sexualité formulée sans détour. Car Mireille Havet est tenaillée par le désir des femmes, qui apparaît dès la seconde page du journal ­ «J'ai une nouvelle fixité, cette Petite Nicoll, si séduisante et belle...» ­, pour ne plus jamais disparaître. C'est son «fix», le vrai, même si apparaissent également les plaisirs éthérés et opiacés : la rencontre amoureuse d'un nouveau visage et l'anticipation des «étreintes les plus souples», la poursuite de la personne jusqu'à l'inévitable trahison, «les défaites froides», pour aussitôt la remplacer par une autre. Elle a beau mettre pas mal de cinéma dans ses tentatives de séduction (envoi d'oeillets surmultipliés, bombardement de lettres tendres...) : c'est la première fois, dans l'âge moderne, qu'une femme sort du placard pour dire avec les mots les plus charnels son homosexualité. Sans honte, sans châtiment, sans crime. C'est un journal, elle n'a pas besoin de se cacher. Elle n'écrit pas non plus pour un homme, complaisamment. Mireille Havet ne se pare aucunement des complications poétiques de l'amitié à la grecque. Exemple direct : «Ah Laure, coucher avec toi jusqu'à en mourir.» D'ailleurs Mireille Havet n'aime pas tellement «les gousses», comme elle appelle cette société saphique qui converge autour des salons de Natalie Barney ou Romaine Brooks, ces Américaines riches qui vivent leur lesbianisme à Paris et qu'elle fréquente avec ferveur, mais également avec quelque cynisme, prête, dit-elle, à succomber contre rétribution (elle travaillotte alors, grâce à Cocteau, aux éditions de la Sirène). Dans la focale de ses excitations défilent, non celles-là, mais des femmes en fleur, Edma Nicoll, Magdeleine Clauzel, Laure de Traz, Madeleine de Limur (à qui elle consacre son roman unique, Carnaval, en 1923) jusqu'à Yvonne de Bray, l'actrice, qui lui file son adresse en douce....

Elle fréquente les salons, mais ne perd pas sa cruauté lucide : « Une curiosité violente me mène partout, chez tous, chez Natalie Barney, chaque vendredi, où l'on ne voit guère que des gousses et des vieux messieurs décorés. » « J'écoute tout, je vois tout, dit-elle encore, et cependant mon coeur est si loin, ma tête pleine d'une étonnante marée qui bourdonne. Je souris, insolente, tête nue, à la foule qui dévisage ma scandaleuse jeunesse. »
De même que Jean Genet n'était pas de ces homosexuels que les maîtresses de maison snobs trouvent « tellement amusants » pour égayer leurs dîners convenus, Mireille Havet n'était pas de ces « femmes préférant les femmes », en une sorte d'exotisme qui fait sourire les hommes et, parfois, les excitent. Elle était de ces lesbiennes impardonnables, conquérantes, envahissantes, prenant volontiers aux maris leurs épouses et proclamant leur détestation du masculin : « Tristesse ! Tristesse, je ne puis rien supporter, j'ai en moi la haine de l'homme, l'instinct unique de la défense, de la fuite et de l'injure. Tout en eux me semble grossier et ridicule, j'ai la haine de leur corps, de leur sexe, de leur désir. Ils sont pour moi d'infâmes faiseurs d'enfants, blesseurs de rêves, ennemis et bourreaux de nos tendresses et de nos féminités. »

Elle a les cheveux courts et la dégaine provocante, porte des cravates mauves, une bague pierre de lune et une canne de jonc, fume des cigarettes, s’adonne à l’opium et rame, dans la lumière d’hiver, sur le lac du bois de Boulogne. Elle hante les lieux chics d’un Paris qui exhale «un parfum d’équivoquerie cérébrale, de demi-monde et de maison close». Contemporaine de Radiguet, elle déteste son image de poète prodige, mais s’applique à en abuser chez Natalie Barney, «où l’on ne voit que des gousses et de vieux messieurs décorés»; dans les salons de Misia Sert, des Berthelot, de la princesse Murat; au Ritz, au Savoy, chez Vatel, où elle drague des «femmes claires» dont elle veut faire chanter les corps; dans les «tam-tam» des Champs-Elysées où elle danse le tango jusqu’à l’aube; dans les cocktails où l’on offre «de la coco comme un bonbon» et les Rolls Royce qui sentent l’eau de Guerlain. Elle cherche à s’étourdir, à se perdre. Elle crâne. Elle incarne, jusqu’au pathétique, les Années folles.
Dans ce journal rédigé comme une longue plainte, avec un lyrisme de condamnée, on est saisi par le désarroi d’une jeune fille en quête d’absolu, par le regret qu’elle a de son enfance perdue, par sa nostalgie de la campagne qu’elle dit avoir trahie pour les paradis artificiels. Il y a là un mélange de naïveté et de maturité, de romantisme et de cynisme. Elle se surestime et se méprise à la fois. L’ange fait la bête. «Je suis, écrit-elle, un si drôle de personnage, à la fois si surfait et si enfantin, si périmé et si outrageusement curieux d’avenir, si mort de toutes les morts et si vivant d’une vie qui s’estompe à peine, à peine... »

Mireille Havet rédigea, de 1913 à 1929, un extraordinaire et monstrueux Journal, dans lequel elle décrit sa « vie de damnation », une vie de guet et d’attente, de songe et d’outrance, une vie aimantée par son « goût singulier » pour l’amour des femmes et les stupéfiants. « À force d’exigence et de retombements, de projets et de défaites froides comme l’averse qui donne la fièvre dont on crève à vingt ans, je n’attends plus rien que moi-même, ma belle petite âme que parachève et paraffine chaque jour la vie parisienne et son fouet à neuf queues. Je suis un jouet entre les mains, les lèvres des foules, où mon nom, ma petite identité qui aspirait au lyrisme est balancée comme un numéro de foire, une attraction vernie qui ne coûte pas cher. Je suis une barque haletante et fracassée sur la mer sans étoile, où nous naviguons de compagnonnage avec les lames mauvaises, lourdes comme l’huile, et les petits poissons changeants qui se cachent dans la lune selon les marées. Hélas !… »



Claire Paulhan, son éditrice, a voulu amorcer l'édition des 5 millions et demi de signes du Journal d'Havet par cette année d'après-guerre. Il y encore l'enfant prodigue d'avant la guerre (à partir de 1913) et le volume allant jusqu'au naufrage en 1929 dans la morphine, la cocaïne et l'héroïne (elle meurt de tuberculose en 1932).
Selon Claire Paulhan « La grande particularité de ce journal est d'être, à ma connaissance, la première autobiographie publiée à ce jour qui décrit ouvertement l'homosexualité de son auteur, avec une liberté de ton, une indécence naturelle, une amoralité lucide, mais aussi [...] une indéniable qualité d'écriture. »



[Un grand merci à Libération, au Nouvel Observateur, à Télérama et aux Editions Claire Paulhan qui m'ont fourni la documentation me permettant d'élaborer cet article]

09:10 Publié dans Célèbres | Lien permanent | Commentaires (0)

24 août 2005

SUZY SOLIDOR

SUZY SOLIDOR (1900-1983)

Elle est née Suzanne Rocher le 18 décembre 1900 à Saint-Servan-sur-Mer, en Ille-et-Vilaine. A 20 ans, elle défraie la chronique du "tout Deauville" avec sa compagne, la célèbre antiquaire Yvonne de Brémonds d’Ars.
Suzanne Rocher monte à Paris au début des années 20 et devient Suzy Solidor. Sorte d’enseigne du mouvement lesbien, Suzy Solidor a quitté sa Bretagne natale pour devenir mannequin, puis chanteuse de cabaret. Les deux belles garçonnes forment pendant quelques années un couple très en vue, Faubourg Saint-Honoré.

Sirène aux cheveux de lin coupés court, modèle de tous les grands peintres contemporains, elle se lance dans la chanson et ouvre fin 1932 un cabaret -- mais elle dira 'boîte de nuit' -- au 12 rue Sainte-Anne, près du Palais-Royal, qu’elle baptise "La Vie Parisienne".

Entourée d’un essaim de jeunes femmes élégantes et parfois androgynes, Suzy accueille le Tout-Paris dans une ambiance luxueuse.
D’autres chanteuses lesbiennes ou bi suivront son exemple en ouvrant leur propre cabaret. Ainsi naît fin 1938 "Chez Agnès Capri", rue Molière, voisine de la rue Sainte-Anne, qui attire une clientèle homo des deux sexes et devient la plaque tournante de l’intelligentsia parisienne, à commencer par Jacques Prévert.
Outre quelques salons de thé attitrés et deux librairies spécialisées de la rue de l’Odéon, certaines lesbiennes fréquentent aussi Le Monocle, cabaret plus discret du boulevard Edgar-Quinet, sans vedette et réservé aux garçonnes. Elles y dansent en couple sous l’œil de la patronne, une maîtresse femme surnommée «Lulu de Montparnasse».
Cette visibilité acquise par les homosexuel(le)s durant les Années folles sera brutalement balayée par l’Occupation.

Ecouter sa version de Lili Marlène (1942)

Quid de la mémoire gay?... Ses archives ont été dispersées à Nice à sa mort, le 31 mars 1983. Elle repose à Cagnes-sur-Mer.

Elle souhaitait devenir "la femme la plus peinte au monde" : elle posera pour plus de deux cent peintres, dont Cocteau, Van Dongen, Marie Laurencin, Foujita, Picabia, Dufy,..., à condition qu'ils lui offrent le tableau pour qu'elle l'expose dans son cabaret.
La donation Solidor - plus de 40 portraits - est exposée au château-musée des Grimaldi à Monaco.

Voici par exemple une huile sur bois de Tamara de Lempicka, peinte en 1933. Lempicka ne voulut toujours la peindre que nue...

Suzy Solidor était devenue l'une des figures emblématiques des années 30.
Sa voix grave et sensuelle a célébré les amours lesbiennes. Voici l'une de ses chansons.

Obsession (1933)

Chaque femme je la veux des talons jusqu'aux cheveux
J'emprisonne dans mes voeux les inconnues
Sous leurs jupons empesés mes rêves inapaisés
Glissent de sournois baisers vers leurs peaux nues

Je déshabille leurs seins, mes caresses par essaims
S'ébattent sur les coussins de leurs poitrines
Je me vautre sur leurs flancs
Ivre du parfum troublant
Qui monte des ventres blancs vers mes narines

Douce, je promène mes mains aux rondeurs du marbre humain
Et j'y cherche le chemin où vont mes lèvres
Ma langue en fouille les plis et sur les torses polis
Buvant les divins oublis j'endors mes fièvres.

(Suzy Solidor)