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22 janvier 2007

Hommage

LA MORT DE L'ABBE PIERRE

"Un Bernard Tapie de l'Evangile"

NOUVELOBS.COM | 22.01.2007 | 19:13

par Serge Raffy,
rédacteur en chef,
chef du service Notre Epoque
au Nouvel Observateur

 

Les positions de l'abbé Pierre sur l'ordination des hommes mariés et des femmes, ou encore sur l'homoparentalité, ont-elles permis d'infléchir les débats sur ces questions au sein de l'Eglise ?

- Dans cette affaire, il a agi comme un franc-tireur. Il a affiché ces positions en octobre 2005 (dans Mon Dieu… pourquoi ?, éd. Plon), en réponse à la désignation du pape Benoît XVI. A ce moment-là, on pouvait craindre un retour à l'orthodoxie de l'Eglise. L'intervention médiatique de l'abbé Pierre ne s'est pas faite au hasard. C'est un avertissement qu'il adresse à l'Eglise : si elle veut continuer d'exister, elle doit être en phase avec son temps. Quand il parle de sa sexualité, il parle de la sexualité de tous les prêtres. C'est un message pour eux. Il leur offre de sortir du piège de la chasteté, qui éloigne les hommes d'Eglise du troupeau. C'est un message quasi-évangélique. L'abbé Pierre utilisait habilement les médias, comme Jean-Paul II. D'où l'interview choc qu'il a accordée à Marc-Olivier Fogiel. L'impact médiatique de cet entretien a été énorme, à la limite du scandale, digne d'un éventuel retour à l'ultra-orthodoxie. Il ne faut pas oublier que l'abbé Pierre a été député MRP dans les années 1950. Il connaît les rouages de la politique et des médias. C'est un Bernard Tapie de l'Evangile, habile et rusé à l'égard des médias.

Ces prises de positions ont-elle entaché ou, au contraire, accru la popularité de l'abbé Pierre, notamment parmi les catholiques ?

- Certains de ses proches lui ont tourné le dos. Les milieux catholiques orthodoxes aussi, bien sûr. Mais une grande partie des chrétiens français ou européens ont compris son message, car ils vivent la désaffection des églises au quotidien. Ils ont compris qu'il faut prendre une autre voie, pour éloigner l'Eglise de la faillite. Il y a d'abord eu un mouvement de rejet, puis tous ceux qui veulent transformer l'assise populaire de l'Eglise l'ont suivi. Ces idées devaient surtout permettre d'enrayer la crise des vocations. Le mariage des prêtres, c'est un slogan très efficace. L'abbé Pierre connaissait très bien l'état des forces de l'Eglise, et se demandait comment continuer à transmettre son message. C'est d'ailleurs pour cela qu'il a reproché à Marc-Olivier Fogiel de ne l'avoir interrogé que sur le sexe, pas sur l'eucharistie. Dans son livre, il évoque l'amour. Il révèle ses relations sexuelles passagères, mais surtout son amour platonique avec un jeune homme. Pour lui, l'amour unit deux êtres libres : il est beaucoup plus varié que ce que dictent les dogmes de l'Eglise catholique.

Pensez-vous que les autorités religieuses vont honorer sa disparition ?

- C'est évident. Elles vont lui rendre un hommage appuyé. L'Eglise n'a jamais puni l'abbé Pierre. Il n'a pas été excommunié. Cela prouve que s'il n'était pas un saint, il était très protégé. Il parlait d'ailleurs que de l'Eglise, "d'une autre montagne". Il était un "insurgé de Dieu", il a lancé, dans les années 1950, une "insurrection de la bonté". Les mandarins de Rome n'aiment pas beaucoup le mot insurrection, mais ce rebelle a fait beaucoup plus pour la religion qu'aucun évêque depuis des décennies.

Propos recueillis par Julie Coste (le lundi 22 janvier 2007)

 

L'abbé Pierre c'est toute mon enfance. C'est l'un des personnages publics les plus marquants des années cinquante. J'ai grandi auprès d'adultes qui parlaient de cet homme avec admiration, ou mépris c'est selon. Comme c'est le cas avec ceux qui marquent les autres et ne peuvent laisser personne indifférent. Et puis j'ai toujours eu un faible pour les rebelles.

La critique c'était par inconscience ou ignorance, optimisme béat, égoîsme du nanti. Comme souvent devant les êtres d'exception, devant ceux qui se moquent du qu'en dira-t-on et bougeraient des montagnes tant leur amour de l'autre est fort.

Il était de ceux qui se lèvent juste un plus tôt le matin et portent la lampe pour éclairer le chemin des autres. C'est ça un vrai guide, rien à voir avec un gourou, juste celui qui a trouvé la lumière et qui aide l'autre à ne pas se perdre. Rien de plus, rien de moins. Même s'il lui fallait parfois la coller sous leur nez pour qu'ils cessent de refuser de voir la misère à leur porte.

Souhaitons que d'autres lumières viennent éclairer notre société et continuent à la faire évoluer vers plus d'humanité. Souhaitons que l'hommage rendu soit pour l'oeuvre et l'esprit, et non par pure raison politique.

22:20 Publié dans Célèbres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hommage, société

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