05 décembre 2007
L'après cancer
L'après cancer n'est pas facile. Plus jamais les choses ne seront comme avant, ça ce fut très clair dès le début pour moi. La "malbête" reste tapie dans un coin de la conscience et l'on s'en méfie, on la craint, on l'appréhende tout en tentant de la rejeter de toutes ses forces. La connaître, déjouer ses armes, la combattre au mieux pour que plus jamais elle ne revienne. Et pourtant aussi se savoir impuissant quant à l'influence des pesticides et autres facteurs environnementaux sur lesquels nous ne pouvons avoir de prise immédiate: nous ne pouvons que les subir en attendant les résultats d'une prise de conscience collective suffisante pour qu'une volonté politique en fasse un vrai problème de santé publique. En attendant, il y a la peur "que ça recommence"... Du moins peut-on agir pour être en forme physique et morale. C'est ce que nous faisons du mieux possible.
Pour elle, la peur a peut-être été moins présente sur l'instant, emportée qu'elle était par l'enchaînement des traitements, la prise en charge médicale très présente, l'envie d'avancer et de passer chaque étape jusqu'à la convalescence. Puis l'idée d'une nouvelle vie, forcément meilleure puisque le goût de la vie revient en force et probablement plus puissamment qu'avant! Comment ne pas avoir envie de vivre plus fort quand on sent qu'on l'a échappé belle et qu'on mesure sa chance de s'en sortir somme toute tellement bien, pas de mutilation, pas de métas, le pronostic vital tout ce qu'il y a de plus favorable, "vous êtes en rémission complète madame".
Mais c'est dans l'après aussi qu'on se rend compte que l'on n'est pas immortel: alors la peur que ça recommence, la peur de mourir deviennent terrible. Et là on se met à vouloir changer sa vie, pour ne plus être dans le contexte qui a peut-être été favorable à la croissance de "la chose de mort" la première fois. Ce boulot qui est parfois si pesant, cette entreprise qui tient cahin-caha, où un deuxième cas de la maladie s'est déclaré cette année chez une femme encore un peu plus jeune, elle s'est dit qu'il fallait en changer! Candidatures spontanées, réponses à des annonces, entretiens, etc. mais du boulot ça ne se trouve pas sous le pied d'un cheval comme disaient les vieux, et l'entreprise brinqueballante, il a bien fallu y retourner. Par une belle journée d'août. Mon père est décédé le lendemain. D'un cancer.
Alors elle va changer quelque chose dans l'éducation de son petit, elle va l'inscrire dans une autre école, plus stricte, plus "cadrante". Combat de l'été pour elle pendant que mon père se meurt, mais nouvel échec: le père du gosse et le fils se cabrent et freinent des deux pieds. Comme d'habitude, "Junior ira où il voudra", dixit son père. Il ira donc dans le même collège que son frère aîné en son temps, sauf qu'il n'est pas son frère et qu'il ne se met pas au travail tout seul celui-là. Il ne s'y met que contraint et forcé... Mary L s'est pris la tête tout l'été pour que rien ne change et qu'une difficile année avec l'enfant commence. Enfant qui, fort de sa victoire, tient tête et s'oppose tant qu'il peut. Un long combat de mère commence, pour faire de lui un homme heureux, si tout va bien.
Avec le grand en pleine adolescence, ça ne va pas fort non plus à la rentrée des classes. Impossible de fixer les week-ends comme on veut, matches supplémentaires, emploi du temps difficile. Pire même, il se met à revenir à la maison en faisant la gueule. Pour quelqu'un qui a envie d'une vie simple et facile, qui rêve de légèreté et de ne plus se prendre la tête, ce n'est pas évident de décoder la première crise affective de son gamin qui a bien du mal à gérer ses émois amoureux débutants. Il se prend même un "si c'est pour faire la gueule, tu n'as qu'à rester dans ta pension le week-end après tout".
Alors elle va changer de vie tout court. Parce que cette femme avec qui elle vit, si c'était à cause de ça qu'elle était tombée malade après tout? C'est peut-être parce qu'elle ne vit pas la vie qui lui convient que le malheur a frappé! Alors ne pas continuer cette vie, c'est empêcher que le mal ne refrappe une seconde fois... Crise de couple, crise d'identité très forte, homophobie intériorisée poussée à l'extrême et j'en passe. L'après cancer lui fait l'effet d'une seconde crise d'adolescence, elle rêve de tout reconstruire différemment, se revoit ado dans sa famille avec ce qu'ils lui disaient alors, se met à rêver d'une autre vie, de devenir hétéro pour ne pas passer à côté de sa vie, si jamais c'était pour ça qu'elle était faite alors! Elle oublie qu'elle a quarante ans et non quinze (quinze ans, c'est son fils aîné qui va les avoir!...), rêve d'une autre vie non coupable où tout est rose, où tout le monde s'aime, où tout le monde fait tout ce qu'il veut quand il veut, où personne ne s'en veut, où les gamins s'élèvent tout seul sans conflit, où il n'y a plus ni obstacle, ni maladie pour personne. (*) L'île aux enfants quoi. Sauf qu'elle grogne, juge, se méprend, se distord, se braque, se comporte en gamine divisée, torturée, hostile et révoltée, parfois juqu'à l'odieux, jusqu'au rejet de tout et de tous. Automne difficile. Mécanisme connu des oncologues, ça on l'a su il y a quelques jours!... Mais pourquoi ne nous met-on pas en garde, pourquoi un suivi psycho n'est-il pas systématiquement prévu pour gérer l'après?
Traversée du tunnel difficile. J'ai ployé sous l'orage, j'ai frémi pour notre amour que j'ai vu en perdition sur une frêle coque de noix prête à être engloutie par une déferlante plus puissante que les précédentes. Aujourd'hui, le plus noir de la tempête est passé. Un rai de lumière brille au fond du tunnel. Elle tient à nous. Elle tient à moi. Elle me l'a dit et je la crois. Elle a décidé de se faire aider et de faire le point / faire la paix avec elle-même. Je la sens déjà un peu apaisée et prête à goûter plus sereinement le regain de vie qui est le très bon côté de l'après. Les ajustements à trouver, nous les trouverons. Ensemble.
(*) Le 9 octobre j'apprenais que le traitement hormonal de m*§@* que j'ai pris pendant six mois et qui m'a valu bien des déboires en plus des cinq kilos gagnés dès le deuxième mois, j'apprenais donc que ce truc n'avait servi à rien et que je devais passer sur le billard pour retirer ces saloperies de polypes de mon utérus. L'intervention est prévue le 19 décembre, plus ça approche et plus je stresse, ça a beau ne pas être une question de vie ou de mort, je crains la douleur, la fatigue postopératoire, ou pire le diagnostic supplémentaire au réveil (**), bref je n'arrive plus à envisager les choses sereinement. Je pense aussi que cette nouvelle-là a dû rajouter un stress supplémentaire à ma belle, à un moment où elle avait du mal à affronter ce genre d'info. L'hôpital, on en a notre dose faut dire. Vraiment besoin de vacances...
(**) faiblement probable il est vrai... mais l'an dernier le risque qu'elle ait un cancer était si infime, si minime, si minuscule, et pourtant... alors maintenant j'ai peur tellement plus facilement. Même si je sais qu'il ne faut pas se projeter dans l'avenir, il y a des moments où l'esprit gamberge! Heureusement à d'autres plus nombreux, c'est moi qui tiens les rênes et l'empêche de battre la campagne! N'empêche..., que tout cela nous a rendues vulnérables!
08:35 Publié dans Lame de fond | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : Vaincre la maladie, vivre
Commentaires
Les orages passent... et avec eux la crainte d'être emportée par la tourmente quand la lumière elle est constante lorsque l'on sait regarder d'où elle vient ... Heureuses de cette belle nouvelle.
Écrit par : Samie Louve | 06 décembre 2007
Je comprends mieux l'absence de post !!!!!! Peut-on espérer que tout le monde y mettra du sien maintenant ? J'entends par là surtout les enfants qui sont plus qu'en âge de comprendre et l'ex qui a priori porte avec lui une belle valise d'égoïsme !!!!
Courage à vous deux
Écrit par : C | 07 décembre 2007
c'est vrai que l'après doit être difficile, mais que le "pendant" est dur, tu as de la chance d'être de l'autre côté alors profite et ne te poses pas de questions
bisous
une essentielle CATHERINETTE
Écrit par : CATHERINETTE | 07 décembre 2007
Hum, ce n'est pas moi qui me les suis posées, les questions!
Profiter? De quoi tu parles? Alors que je la sentais mal comme tout? Tss!!! Pas mon genre ça! Y en a d'autres qui auraient d'ailleurs décidé d'en rester carrément là, vu l'ambiance à la maison...
Sauf si elle n'avait plus voulu continuer avec moi bien sûr, ce qui reste son droit inaliénable.
Malgré les tensions, j'ai cherché à comprendre, à trouver des solutions, tu vois. Pas à baisser les bras ni à foutre le camp en égoïste.
Écrit par : Happy | 07 décembre 2007
Je passais, je passais et plus de posts, j'étais inquiète, je te retrouve enfin mais il n'y a pas que des bonnes nouvelles dans tout ce que tu nous racontes, enfin, tu dis voir le bout du tunnel, tant mieux, reste cette opération...Alors je te souhaite bon courage, à toi et à petite famille.
Bien à toi
Écrit par : Inès | 07 décembre 2007
Moi aussi je venais regulierement comme on vient prendre son courrier et je trouvais une boite aux lettres vides.. Et passe le sourire de trouver des lettres en arrivant ce matin, je trouve des jolies lettres et des moins jolies.. alors je cherche des lettres, des mots qui iraient bien a poser la, pour vous redonner le sourire.. Voila ce que j'ai trouve... un L.. un O... un V... un E... parce que meme si c'est difficile, je pense vraiment que tout est la.
Tenez bon, apres les pluies de l'automne vient la blancheur de la neige !
Écrit par : us.linem | 09 décembre 2007
Très sensible à ce texte. J'y étais aussi, de l'autre côté, du côté des thérapies, de la lourdeur du traitement, de l'angoisse de l'attente... Difficile à vivre.
Plus rien n'est comme avant, tout est plus précieux, plus intense, plus fragile.
Écrit par : louison | 09 décembre 2007
Merci à vous. Merci à toi Samie, ne t'inquiète pas, je ne la lâche pas des yeux la lumière et j'essaie toujours d'en faire rayonner un peu autour de moi aussi!
Merci à C et à toi Inès pour vos encouragements!
Merci Linem pour ces quatre si belles lettres, bien sûr que c'est là l'essentiel!
Merci à toi, Louison, pour ces quelques mots si beaux, si justes: "tout est plus précieux, plus intense, plus fragile". Comme c'est vrai!
Merci pour ces rayons de lumière que vous me donnez, que vous lui donnez quand elle a un moment pour vous lire.
Écrit par : Happy | 10 décembre 2007
Pfff moi aussi cette absence ne me disait rien qui vaille.... maintenant je comprends, je comprends tellement ...
A la maison moi j'ai tout ce que tu décris les gosses (2 à moi et 3 à elle) les pères, les week end alternés pour l'ainé qui est reparti vivre chez papa et qui fait aussi la gueule quand il vient, les ados, les préado, les petits , les doutes, les crises, les engueulades.... l'amour .... j'ai tout ça et plus encore mais sans la maladie, sans cette épée au dessus de nous....alors meme si je suis usée nerveusement en ce moment, si les frustrations sont de plus en plus grandes en ce moment.... te lire me donne du baume au coeur !
Bonne longue route à vous ......
Écrit par : Nathalie | 11 décembre 2007
Tt d'abord, Happy, bon courage à toi pour cette opération ... le pire c'est maintenant, tu appréhendes, ça te renvoie à ce passé proche d'hôpital et de traitements; tu te sentiras délivrée après et ... les kilos vont partir lalalère!!!
Pour Mary, oui je confirme, elle est dure la période de l'après: envie et crainte de vivre, désir de retrouver l'insouciance perdue, et vide de ne plus être au centre ... bizarre mais quand on a été la vedette (même si ça a été une drôle d'aventure), la vie après est banale et en plus on ne se retrouve pas pour autant.
Je ne me rappelle plus si Mary a une hormonothérapie: ça a aussi des effets secondaires pas très lol.
... MAMAN D'ADO, AÏE AÏE AÏE .... pas très gratifiant, les mamans de fils ont de plus une sacrée responsabilité pour former les hommes de demain ... je le sais j'en ai deux aussi, dont un ado de 13 ans!
Pour te consoler les ados filles c'est aussi un bon challenge ... la mienne n'avait pas pu faire sa crise d'ado puisque j'étais malade ... elle l'a faite après, normal et sympa de sa part.
Tu as l'air de bien retrouver le cap de vos vies, je vs souhaite à ttes les deux bcp de bonheur ds l'année 2008 et à toi une opération et des suites réussies et sereines.
Bisous suisses
Isabelle
PS: suis heureuse de te lire à nveau
Écrit par : Isasuisse | 12 décembre 2007
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Le Porte X bonheur
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bisous catherinette bonne journée
Écrit par : CATHERINETTE | 14 décembre 2007
Comme tous et toutes, je me demandais bien aussi ce qu'il pouvait bien se passer sous vos latitudes pour que le blog ne soit plus ton lien choisi ...
Là, forcément ...
Je vous embrasse
Écrit par : Patricia-M | 14 décembre 2007
voila juste une tite pensée à vous pour demain...Espere avoir des news positives dans quelques jours !!!!
courageeeeeeeeeeeeeeeee
Écrit par : C | 18 décembre 2007
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