21 décembre 2007
Si c'était un film!
Quatre heures à tuer
Une dame d'un certain âge attend, accompagnée d'une plus jeune, sa fille nous le saurons peu après. Elle a le visage triste et légèrement marqué de cette chape particulière qui a pour nom 'avoir un cancer'. Sa fille tient tout le dossier des examens et des bilans. Ma belle me demandera un peu plus tard comment je le sais, me grondant presque d'imaginer quelque chose sans savoir. Je le vois, je le sens, c'est tout. Ce feeling-là est devenu si aigu...
On nous laisse poireauter sans aucune explication. Il y a un sapin de Noël décoré dans un coin. Moi aussi je commence à avoir les boules... Je lâche de temps à autre une boutade pour dérider l'atmosphère. La jeune femme qui attend aux côtés de sa mère sourit de temps à autre, mais on la sent tellement préoccupée et stressée aussi de l'attente qu'on leur fait subir. Ca y est, on vient les chercher, et l'explication tombe: nombreuses urgences toute la nuit, pas de chambre dispo, faut attendre qu'elles se libèrent.
Et on a de la chance encore, ce n'est pas comme dans certains pays anglosaxons où on laisse les lits des malades dans les couloirs. La jeune femme réapparaît sans sa mère et sans son dossier, elle nous raconte leur périple et nous dit " vous ne passerez pas avant midi, ma mère est opérée en premier". Elle ne connaît pas le chirurgien et nous la rassurons, c'est le meilleur sur la place, sa maman est entre de bonnes mains. Ma belle raconte qu'elle y est passée pour la même chose et comme elle est resplendissante de santé, cela achève de rassurer la jeune femme. Quant à moi, pour mon petit cas de rien, j'ai choisi le même chir pour me sentir pleinement en confiance.
Enfin l'on vient nous chercher pour nous montrer mes appartements. Chambre à deux lits, j'ai une voisine qui est là depuis plusieurs jours pour problème urinaire durant sa grossesse. Pas de cas lourd donc et une compagnie qui s'avèrera plaisante et non envahissante à la fois.
Après les formalités d'usage et l'obtention de la réponse à la question qui me préoccupe le plus ce matin "Vais-je souffrir au réveil?" "Pas plus qu'un premier jour de règle, souvent moins". Voilà une réponse qui me rassure au plus haut point! Je m'installe sur le lit et ma belle colle sa chaise près de moi. Elle me masse les pieds ce qui m'assoupit presque et c'est délicieux, je me sens bien en dépit de la soif qui devient intense. Nous bavardons tranquillement jusqu'à midi moins dix où l'on vient pour rouler mon carosse jusqu'au bloc. J'ôte mes lunettes. C'est parti!
Le grand sommeil
J'ai deux chauffeurs, un homme et une femme, sympathiques et qui parlent... voitures! Circulation dans le couloir jusqu'à l'ascenseur, dernier coucou de ma belle au moment où les portes se referment, descente dans le ventre de l'hôpital, on débouche près de la cafétéria que je connais bien. En plus c'est midi et ça sent bon, voilà que maintenant en plus j'ai un petit creux! Longs couloirs que je connais, puis une zone bleue toute neuve qui m'est étrangère, le tout en flou artistique à la David Hamilton, myope je suis. Une immense salle avec des lumières assez douces et un froid certain, plusieurs personnes qui rangent des draps, de nouveaux carosses très étroits dont un m'attend. Je déménage de mon lit douillet pour ce qui est en fait une table d'opé à roulettes. "Vous allez quitter la Rolls pour la Deuche", me dit en souriant mon jeune chauffeur. J'admets en riant que côté suspension c'est pas ça! Il me propose gentiment un coussin pour ma tête et m'apporte un support en polystyrène qui va nettement améliorer mon confort. Je l'en remercie. J'ai refusé la prémédication ce qui fait que je suis très nette dans ma tête: je préfère observer ce qui se passe autour de moi et écouter, à défaut de bien voir ce qui se passe. Je les observe à leur travail un moment puis je profite des quelques minutes qui suivent pour respirer calmement et m'adonner à quelques techniques yogiques de limitation du stress.
"Vous pouvez amener la 7, salle 2" nasille une voix dans un interphone. Comme il n'y a que moi en attente, j'en déduis que je suis le numéro sept en question, ce qui me plaît bien, c'est mon chiffre préféré. Un seul chauffeur cette fois, très prévenant. Il me regarde gentiment en me disant "je vais vous conduire madame". Il y a du coeur dans ces simples mots: cela me confirme que c'est dans les tâches les plus simples que peut se loger le plus grand coeur, ce garçon fait bien son travail et ne me pousse pas en m'ignorant. Arrivée sous les lampes grandes allumées de la salle d'opé, je me plains d'avoir mal aux yeux, on me pousse, une infirmière prend en charge mon bras et ma main gauches, elle me pose la perf sans ménagement là où je m'échine inutilement à dire que cela va m'exploser la main, que j'ai l'habitude, "dans le bras s'il vous plaît", cause toujours tu m'intéresses! A l'autre bras, le tensiomètre. les électrodes pour l'électrocardiogramme sur le haut du buste, s'il vous plaît merci de remonter les couvertures, on se pèle ici. Je demande où je suis dans le bâtiment, on m'explique les nouveaux locaux, etc. Ma belle passera devant à 13 heures avec son sandwich en se disant que peut-être je suis là! L'anesthésiste arrive, questions d'usage, elle branche un autre cathéter et je me sens partir doucement en toute lucidité; si j'avais compté, je pense que je serais allée... au moins jusqu'à 7!
Les aventuriers du polype perdu
"L'opération est terminée madame, vous êtes en salle de réveil!" . "Alors ça y est je n'ai plus de polype?" "Il y avait des synéchies aussi", me répond-elle. Synéchies? Là c'est Quai des brumes pendant quelques secondes, puis je lui demande "Vous voulez dire des cloisons dans l'utérus, c'est ça?" "Oui" me répond-elle. C'est malheureux que je n'ai pas pu voir sa tête, elle devait être étonnée de la richesse de mon vocabulaire médical... "Alors comme ça tout va marcher très bien maintenant" lui dis-je, bien contente. Elle acquiesce. J'ai demandé l'heure aussi, deux heures moins le quart (avant ma chérie), je compte que j'ai été endormie un bon moment tout de même. Même pas mal. C'est très détendue que je regarde tout autour de moi. Le vieux monsieur tremblant qui essaye de sauter hors de son lit me rappelle mon papa qui a subi contre son gré une dernière intervention cinq jours avant sa mort et arrachait toutes ses perf. Il y a aussi la dame paniquée à qui on injecte encore un calmant et le type si grand qu'ils ont un mal fou à le transférer de sa table à son lit. On lui demande combien il mesure, il murmure quelque chose qui commence par deux mètres et ressombre dans le cirage. Je me redresse sur mon lit mais pas trop, je me suis déjà fait gronder lors d'une autre opé pour avoir voulu m'asseoir dans la salle de réveil. C'est fou comme les autres supposent savoir ce qu'on ressent soi. "Vous êtes rudement bien réveillée, vous! Je crois que c'est inutile d'attendre plus longtemps ici, on va vous remonter" déclare une infirmière. Que voilà une bonne idée!
Je retrouve mon chauffeur sympa, tout seul cette fois. "Alors comme ça vous êtes toute neuve", me dit-il. Ca doit être pour ça qu'il prend un raccourci par le service de pédiatrie, je lui fais remarquer que je n'ai pas rajeuni à ce point, il rit. Arrivée à la porte de la chambre, je cherche des yeux ma belle qui commençait à s'inquiéter, trouvant le temps long. Il est 14h45. Je passe sur les détails du genre "Vous pouvez boire mais pas manger avant le passage du médecin!" Ben voyons et puis quoi encore, je sens bien que j'ai très faim et que j'avale impeccablement bien. Je bois mon verre d'eau devant l'infirmière et je continue à réclamer à manger. J'obtiendrai à l'usure un copieux goûter et du rab que ma voisine me fait passer. Il n'y a plus qu'à attendre le passage du grand chef. Enfin le voilà.
"Finalement ça a été surtout une hystéro d'observation". Qu'est-ce qu'il dit? Mes oreilles se taillent en pointe. "Je n'ai eu aucun problème pour dilater le col. En revanche, trois centimètres après, impossible de passer l'endoscope. J'ai buté sur quelque chose que j'ai pris pour un fibrome tellement cela résistait, j'ai donné un coup de bistouri, cela s'est ouvert et j'ai pensé trouver l'utérus derrière. Et bien non, pas d'utérus mais une nouvelle grotte". Je lui demande quelles aventures il nous raconte là et il ne peut s'empêcher de rire. Redevenu sérieux, il explique qu'il n'a pas pu trouver de lumière pour passer dans l'utérus, qu'il n'a vu ni endomètre, ni polype, ni rien, que je ne devrais pas avoir de règles du tout, ce qui n'est pourtant pas le cas!, que ça a l'air cloisonné de partout et qu'il n'a pas voulu risquer de perforer quoi que ce soit en progressant plus loin. Il me reverra début janvier pour une écho de contrôle et voudrait bien comprendre.
Moi aussi.
Il ne faut jurer de rien
Nous sommes bien loin des certitudes de ma gynéco qui affirmait que ce ne serait rien et que ce serait facile surtout. Contactée hier, elle se demande si elle n'est pas passée à côté d'un utérus double! De mieux en mieux... Et elle affirme qu'il y a un polype. De toute façon elle prend sa retraite ce soir, alors double ou pas... Et puis j'en doute, ça ferait trois gynéco au moins qui seraient passés à côté!
Le chir ne sait même plus s'il y a ou non un polype, ou si c'est une fausse image d'écho! Moi ce que je sais, c'est que j'ai une semaine d'arrêt non payée de mon boulot - ça c'est les joies du libéral - une certaine fatigue, plein à faire que je ne fais pas, la main gauche explosée, un léger saignement et une sensibilité un peu douloureuse pour quelques jours et rien de résolu du tout. Car si polype il y a, faut pas garder ça et si jamais on ne peut pas l'atteindre en hystéro, à quelle sauce vais-je être mangée en 2008, hein? Ah ça oui, j'ai les boules!
10:15 Publié dans Vie de famille ... homoparentale | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : vivre
Commentaires
Ben moi je dis, bonnes fêtes a vous, on est en décembre pour le moment alors profitons bien !!!
Écrit par : fredouille | 21 décembre 2007
Fredouille > On est aujourd'hui, je suis seule à la maison jusque tard ce soir car il y a une fête au boulot de ma belle pour Noël et elle y reste avec son cadet qui aura un cadeau pour l'occasion. Je ne peux les rejoindre, ça me ferait trop de route pour aujourd'hui (1h30 aller-retour), j'hésite déjà à aller en ville où j'ai pourtant tant à faire.
Je n'ai pas la force de faire grand chose alors j'écris ce que j'ai vécu et ce que je ressens, cela m'aide à digérer les choses et à trouver un peu d'énergie pour passer à autre chose.
Ma mère arrive demain, remplie de l'absence de mon père, de ce premier Noël sans lui et des premières difficultés de sa succession. Elle n'est pas au courant de ce qui m'arrive, sauf qu'avec ma main et ma fatigue je ne pourrai pas cacher longtemps grand chose.
Nous n'avons pas les enfants pour Noël et ma douce travaille tous les jours sauf le 25. Je reprends le 26 impérativement, quelle que soit ma fatigue. Alors les fêtes, tu sais...
Écrit par : Happy | 21 décembre 2007
Je l'avais bien dit et je le redis :
Tu es une femme extra-ordinaire !
Je suis avec toi, à tes cotés.
Bisous . . .
Écrit par : Mary L | 21 décembre 2007
Ma belle, ta femme extraordinaire se sent bien lasse ce matin, très déçue de tout ce stress pour rien. Ca me fait bien "synéchier" tout ça, tiens!
Mais heureusement que tu es avec moi!
Écrit par : Happy | 21 décembre 2007
Mince alors quelle aventure chrirurgicale.....Reposes toi bien... ils vont certainement trouver cette anomalie y a pas !!!
Fais toi dorloter. tente de profiter du meilleur.
Bisous à vous 2
Écrit par : Nathalie | 21 décembre 2007
et ben dis, donc!
Je les reconnais bien là les zigotos de l'hosto!
Alors comme ça tu leur a donné du fil a retordre???
Et si tu choisissais un chir femme? Peut-être que les cloisons s'abattraient???
Non mais sérieusement, tu peux pas faire simple de temps en temps?
Un utérus double quand même faut vraiment que tu te fasses remarquer,hein?! Mais bon tant que ça ne te donne pas d'air supérieur!
Voilà, une vérité est tombée tu es biscornue la belle, c'est tout!
Enfin je t'embrasse et puis je suis bien déçue pour toi que tout ça ne soit pas qu'un mauvais souvenir...mieux vaut en rire en attendant la suite...heureuse comme je te la souhaite bien entendu.
Écrit par : Mexico | 22 décembre 2007
HAPPY ....X y MAS !
Écrit par : Patricia ! | 25 décembre 2007
Je comprends que tu aies les boules...
Cela me ramène quelques semaines en arrière ces aventures inhospitalières ...
Bon courage ... et bises à vous deux !
Écrit par : Samie Louve | 25 décembre 2007
Je ne vais pas dire grand chose...ça fait déjà pas mal de temps que je te lis...ça fait déjà pas mal de temps que je vis avec tes mots dans le corps . Je te remercie de part ton expérience de savoir relativiser mes bobos et remettre en place.
Bien à vous et surtout que les plus beaux jours vous attendent enfin...
Écrit par : Inès | 31 décembre 2007
REPOSE TOI BIEN
et BONNE ANNEE 2008 tout de même et surtout BONNE SANTE
CATHERINETTE une essentielle
Écrit par : CATHERINETTE | 05 janvier 2008
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