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13 février 2008

Je biche!

La rumeur circulait depuis des années parmi les fans, mais aucune preuve tangible n'avait jusqu'à présent été apportée. C'est au cours d'une lecture publique du dernier tome d'Harry Potter à New York que l'auteur J.K. Rowling a révélé l'homosexualité du personnage de... Albus Dumbledore. "Oui, Dumbledore est Gay", a-t-elle répondu à l'un de ses fans. 
 
TF1 / LCI Albus Dumbledore, incarné par Michael Gambon dans Harry Potter et l'Ordre du Phénix en 2006 (Warner Bros)
Albus Dumbledore, incarné par Michael Gambon dans Harry Potter et l'Ordre du Phénix en 2006 (Warner Bros)

L'auteur a ensuite expliqué que le vieux magicien était tombé amoureux de Gellert Grindelwald, qu'il avait battu lors d'une bataille entre les bons et les muavais sorciers. "L'amour peut  nous rendre aveugle", a-t-elle expliqué au sujet des sentiments de Dumbledore, ajoutant que ce dernier avait été "horriblement, terriblement déçu". Son amour pour Grindelwald, c'était sa "grande tragédie", a-t-elle ajouté.
 
"Si j'avais su..."
 
Sur le tournage du sixième épisode de la saga, Harry Potter And The Half Blood Prince, J.K. Rowling a d'ailleurs dû faire retirer un passage du script faisant référence à une relation entre une femme et Dumbledore. "J'ai dû bien faire comprendre au réalisateur, David Yates, la vérité à propos de ce personnage", a-t-elle ajouté. Après quelques secondes de circonspection, son auditoire a applaudi. "Je vous l'aurais dit plus tôt si j'avais su que ces révélations provoqueraient un tel enthousiasme", a-t-elle ajouté, tout sourire.
 
Les associations défendant les droits des homosexuels au Royaume-Uni ont accueilli avec joie cette révélation. "C'est toujours une bonne chose que la littérature pour enfant introduise cette réalité, puisque nous existons dans toutes les sociétés", souligne Peter Tatchell, figure du mouvement de défense des droits homosexuels au Royaume-Uni. "Mais je suis un peu déçu qu'elle n'ait pas explicitement évoqué cette sexualité dans les livres. Elle aurait envoyé un message beaucoup plus fort".

28 septembre 2007

Y en aura pour les filles aussi!

Voici le premier poème de Sappho,
unique texte retrouvé dans son intégralité.

La poétesse lance une prière à Aphrodite, la déesse de l'Amour et de la Beauté, pour que, "de nouveau", celle qu'elle aime ne lui résiste pas. La quête de cette énième passion est assimilée à un "combat" et l'absence d'amour est ressentie comme une "injure".
C'est ici la traduction de Théodore Reinach avec la colaboration d'Aimé Puech (Ed. Les Belles Lettres, première éd. 1937):

 

"Toi dont le trône étincelle, ô immortelle Aphrodite, fille de Zeus, ourdisseuse de trames, je t'implore: ne laisse pas, ô souveraine, dégoûts ou chagrins affliger mon âme,

Mais viens ici, si jamais autrefois entendant de loin ma voix, tu m'as écoutée, quand, quittant la demeure dorée de ton père tu venais,

Après avoir attelé ton char, de beaux passereaux rapides t'entraînaient autour de la terre sombre, secouant leurs ailes serrées et du haut du ciel tirant droit à travers l'éther.

Vite ils étaient là. Et toi, bienheureuse, éclairant d'un sourire ton immortel visage, tu demandais quelle était cette nouvelle souffrance, pourquoi de nouveau j'avais crié vers toi,

Quel désir ardent travaillait mon coeur insensé: " Quelle est donc celle que, de nouveau, tu supplies la Persuasive d'amener vers ton amour? Qui, ma Sappho, t'a fait injure ?

Parle: si elle te fuit, bientôt elle courra après toi; si elle refuse tes présents, elle t'en offrira elle même; si elle ne t'aime pas, elle t'aimera bientôt, qu'elle le veuille ou non ".

Cette fois encore, viens à moi, délivre-moi de mes âpres soucis, tout ce que désire mon âme, exauce-le, et sois toi-même mon soutien dans le combat."

 

 

En voici un deuxième:

Confidences

Je dis que l'avenir se souviendra de nous.

Je désire et je brûle.

A nouveau, l'Amour, le briseur de membres,
Me tourmente, doux et amer.
Il est insaisissable, il rampe.

A nouveau l'amour a mon cœur battu,
Pareil au vent qui, des hauteurs,
Sur les chênes s'est abattu.

Tu es venue, tu as bien fait:
J'avais envie de toi.
Dans mon cœur tu as allumé
Un feu qui flamboie.

Je ne sais ce que je dois faire,
Et je sens deux âmes en moi.

Je ne sais quel désir me garde possédée
De mourir, et de voir les rives
Des lotus, dessous la rosée.

Et moi, tu m'as oubliée. 

 

Et même un troisième! 

Vers l’extase
   
Venez, amies, dans le vallon sacré,
séjour ravissant des Nymphes rustiques,
où la fumée de l'autel fait monter
l'odeur de l'encens.

L'onde fraîche chante sous les pommiers,
le jardin respire à l'ombre des roses,
et des feuillages qu'agite le vent
descend le sommeil.

Dans l'herbe du pré paissent les poulains.
La mélisse abonde pour les abeilles.
Et quand vient le soir l'angélique exhale
son parfum de miel.

Viens à nous, Cypris, dans l'enclos des Nymphes,
et, parant nos fronts de fleurs enlacées,
dans les coupes d'or verse à ceux qui t'aiment
ton nectar de joies.  

Sapho le lire!

Poésie homosexuelle

Villon, Charles d’Orléans, Rabelais... : aux origines de la poésie homosexuelle

Le succès des études de Thierry Martin ne se dément pas. La parution de "Poésie homosexuelle en jobelin, de Charles d'Orléans à Rabelais" a entraîné une rupture de stock du titre précédent, "François Villon, Poèmes homosexuels". L'éditeur, Question de genre/Cahiers GayKitschCamp, a commandé à l’auteur une nouvelle édition revue et corrigée.

"François Villon: Poèmes homosexuels"
(Nouvelle édition revue et corrigée, 128p., 12€)

Le peuple picard du Moyen Âge, dont on connaît la passion pour les jeux sur le langage, prenait un malin plaisir à bafouer la morale avec un système de double sens homosexuel. Quelques poètes le reprirent et le perfectionnèrent : le jobelin était né.
François Villon trouva dans le jobelin un support en accord avec sa virtuosité, sa duplicité naturelle, et ses propres mœurs. Mais au lieu de le réserver à des jeux gratuits, comme tous ses confrères, il le chargea de raconter sa vie privée. Hormis quelques poèmes de jeunesse, toute son œuvre est écrite dans ce langage obscène et rebelle qui lui ressemblait tant. 

 

" Poésie homosexuelle en jobelin, de Charles d'Orléans à Rabelais"
(178 p., 14 €.)

La confirmation d’une présence importante de l’homosexualité dans l’œuvre de Villon avait ouvert des perspectives prometteuses. Thierry Martin applique ici la même grille de lecture à d’autres virtuoses du double sens, comme Charles d’Orléans ou Marot. Et bien sûr Rabelais : en effet, pourquoi ne s’est-on jamais risqué à traduire des textes aussi capitaux que les énigmes de Gargantua et les plaidoyers fatrasiques de Pantagruel? A-t-on craint la décoction d’un clystère, la matière fécale, la poche culière, la fressure boudinale dans les bourses des usuriers, les trous de taupe? En fait de trous, nos chastes commentateurs n’étaient pas au bout de leurs surprises:
 
"Leur propos fut du trou de saint Patrice,
De Gilbathar, et de mille autres trous :
Si on les pourrait réduire à cicatrice
Par tel moyen que plus n’eussent la toux,
Vu qu’il semblait impertinent à tous
[De] les voir ainsi à chaque vent bâiller…".


On ne sera pas étonné de voir revivifier ici des textes que nous avons tous visités à l’école sous l’œil vigilant de la République. Celui de Thierry Martin, éclairé par une utilisation de la langue (ancienne pour le décodage, contemporaine pour la traduction) nous délivre enfin la poésie de Charles d’Orléans à Rabelais de sa gangue hétérocentrée. Dans cette édition bilingue, T. Martin illustre avec bonheur la formule de Rabelais : « On ne fait que bander aux reins et souffler au cul! »


Thierry Martin a publié aussi chez GKC: Trois Études sur la sexualité médiévale (46 pp., 7,47 €) et une traduction des Épigrammes pédérastiques de Martial (70p., 10,51 €)
Dans toutes les bonnes librairies ou directement chez l'éditeur:

Éditions QuestionDeGenre/GKC
5 rue Pavillon 34000 Montpellier
Tel/fax 04 67 65 85 62
www.GayKitschCamp.com

Inspiré de   E-llico

Mais bien sûr que nous avons une culture! 

04 avril 2007

Aimez-vous Cy Jung?

 Qui est-elle?

Cy Jung (Cécile ou mieux Cécyle Jung, née en 1963), romancière et auteure de nouvelles française, est l'auteure de plusieurs récits lesbiens dont l'érotisme n'est pas voilé:

Hétéro par-ci, homo par le rat, KTM, 1999.
Es ist eine poulette, KTM, 2000.
« Qu'est-ce qu'elle me veut ? », nouvelle, dans Attirances, lesbiennes fems, lesbiennes butchs,
Éditions gaies et lesbiennes, 2001.
Cul nu, courts érotiques, KTM, 2001.
Carton rose, éditions gaies et lesbiennes, 2003.
Mathilde, je l'ai rencontrée dans le train,
éditions gaies et lesbiennes, 2005.
« Le Rêve d'Isabella », nouvelle, dans Transports amoureux,
La Cerisaie, 2005.
« Sarah », nouvelle, Dessous divers, La Cerisaie, 2005.
Bulletin rose, éditions gaies et lesbiennes, 2006.

Elle a aussi écrit un livre autobiographique " Tu vois ce que je veux dire " (Vivre avec un handicap visuel, L'Harmattan, 2003). qui vise à mieux faire connaître l'albinisme et l'amblyopie.

 

Les Hétérosexuels,

vus par Cy Jung!

 

" Présupposant leur position majoritaire au sein de l'espèce humaine, ils ont développé une suffisance et une fatuité qui les amènent à considérer que leurs modes de vie et leurs façons de penser constituent une norme irréfragable qui s'impose à quiconque prétend partager leur espace social."

(...)

Puis Cy Jung explique comment les hétéros se sont forgé leur belle culture hétérosexuée/hétérocentrée, visant essentiellemnt à la reproduction de l'espèce. Ils auraient alors créé les religions et les diverses croyances pour justifier leur attitude de "maîtres de l'humanité".

"Cette morale a joué un rôle déterminant dans l'expansion hégémonique des Hétéros. Elle a établi des hiérarchies au sein même de leur tribu et ainsi justifié l'oppression d'autres peuples."

Cy Jung termine son pamphlet par une pirouette, en expliquant que leur sacro-saint mariage ne vise le plus souvent qu'à enrichir les familles concernées et à protéger leurs possessions dans l'oubli des vraies valeurs de l'amour véritable.

" Les humains savent pertinemment que l'union de deux êtres fondée sur des bases autres que le désir et le plaisir d'être ensemble est vouée à l'échec."

Elle leur donne le coup de grâce avec cette chute redoutable: "L'amour leur est étranger".

Pour tout lire, c'est là: Cy Jung - Abécédaire lesbien,
lettre H ou...
T comme Têton ou O comme Oser
ou... y a tout l'alphabet!

 

Vous vouliez le savoir...!

 

Pourquoi se teint-elle en blond ? 

Meuh nan! C'est une vraie blonde !

Sauf qu'elle souffre d'albinisme, mais pas comme les lapins albinos! Elle, elle a les yeux bleus (ah me direz-vous, les yeux bleus, votre rêve.. et bien oui c'est son cas! Si elle est libre? Zavez qu'à le lui demander!). Sauf que suite à un déficit congénital, ils sont amblyopes!

Mais comme elle a eu une famille en or qui encourage la volonté et la détermination, elle a réussi à rester autonome et elle en est très fière (à raison). Et sa fierté, elle la place aussi dans le fait que si vous la rencontrez - veinarde! -, vous ne remarquerez absolument rien. Alors surtout avec elle, évitez la compassion, la pitié, les bons sentiments! Ca, c'est pas son trip!

Bon, peut-être qu'elle ne vous reconnaîtra pas tout de suite si vous vous revoyez demain, et alors? Zaviez qu'à ne pas changer de parfum aussi! Au pire évoquez votre conversation d'hier, parlez et riez, elle n'est ni sourde ni bête que diable! Et elle a une de ces pêches!

 

Si les scènes de sexe de ses romans sont autobiographiques?

Petites curieuses, va!

Elle aimerait bien, " surtout la scène dans 'Once upon a poulette' où Jeanne et Zoé sont sous la douche !!! Vous savez, le nez de lutin…"

Elle admet surtout écrire ses fantasmes et ceux des autres, pour exprimer sa sexualité certes, mais surtout pour donner aux lesbiennes de l'érotisme à lire et à rêver. Et elle n'attend qu'une chose, c'est que vous vous y mettiez vous aussi. A vos plumes!

Résumé d' Interviews de Cy Jung 

Vous voulez en découvrir plus?
Alors RV sur son site CY JUNG.com 

 

PS:

L'auteure, me rappelant que ses textes ne sont pas libres de droits, me demande d'en limiter la reproduction à de courtes citations ainsi que l'indique le Code de la propriété intellectuelle reproduit sur son site. C'est chose faite, avec toutes mes excuses.

26 mars 2007

Babyji

Abha Dawesar

Abha_dawesar_nb_001 À 33 ans, elle est l'auteur indien qui dérange. Avec Babyji, premier roman traduit en français, Abha Dawesar met en scène l'homosexualité féminine et la frénésie de séduction.

Votre héroïne est une lycéenne qui séduit une femme divorcée, puis laEho_dawesarc_1 servante de sa maison, et initie enfin à ses jeux la plus jolie fille de sa classe. Comment ce roman a-t-il été accueilli en Inde, que l'Occident imagine très puritaine?

L'Occident n'a pas forcément une vision très perspicace de l'Inde. Qui d'ailleurs, peut sérieusement prétendre saisir ce pays dans la totalité de ses cultures, de ses langues, de ses populations? L'Inde est traversée d'une quantité de contrastes, à mon avis sans équivalents dans le monde. C'est un pays jeune où plus des deux tiers des habitants ont moins de vingt-cinq ans : cela se répercute évidemment sur les mentalités. La croissance économique, le développement de technologies, l'arrivée des chaînes satellitaires, ont été facteurs de bouleversements importants. Mes personnages et le milieu dans lequel ils évoluent - la moyenne de Delhi - expriment ces changements. L'accueil réservé à Babyji a été triomphal.

Les contradictions qui agitent la société indienne sont au coeur de votre roman.

Imaginez le gouffre qui sépare le monde dans lequel vit un paysan des jungles de la frontière birmane de celui d'un cadre supérieur habitant une grande ville. Et à l'intérieur d'une même ville, ces contrastes sont encore très vifs. En deux minutes, mon héroïne peut passer de sa maison au confort tout occidental à des bidonvilles sans électricité ni eau courante... Elle est entourée de femmes qui se sont arrachées aux pesanteurs sociales et culturelles: sa mère travaille, son amante a divorcé et élève seule son fils. Babyji et ses amis feuillettent des magazines "osés" en classe et regardent des adolescents s'embrasser à la télévision. Pourtant, il est toujours très mal vu, pour une fille, d'avoir un petit ami et il est rare que les gens se marient par amour. Les femmes s'émancipent peu à peu, mais nombreuses sont encore celles qui sont battues par leur mari. L'Inde est un pays complexe où l'apparente pudibonderie des moeurs est constamment démentie par ses traditions religieuses ou culturelles. Voyez sa littérature ou certains de ses temples aux abords desquels trônent des symboles phalliques et qu'ornent d'explicites scènes d'amour en relief. C'est cette terre de tous les paradoxes que je veux mettre en scène.

Propos recueillis par Patrick de Sinety.

Vu sur le blog des Editions Héloïse d'Ormesson

Abha Dawesar était sur France Inter dans l'émission Cosmopolitaine d'aujourd'hui. Voici le lien pour écouter l'émission:

11 août 2006

Le Maître dit :

" Lorsque nous sentons qu'est venue l'heure du changement, nous nous repassons inconsciemment le film de tous les échecs que nous avons connus jusque là.
" Et, bien sûr, à mesure que nous vieillissons, la part des moments difficiles l'emporte. Mais, en même temps, l'expérience nous a donné les moyens de surmonter ces échecs et de trouver le chemin qui nous permet d'aller plus loin. Il nous faut aussi insérer cette cassette ci dans notre magnétoscope mental.
" Si nous ne regardons que le film de nos échecs, nous restons paralysés. Si nous ne regardons que le film de notre expérience, nous finirons par nous croire plus sages que nous ne le sommes en réalité.
" Nous avons besoin des deux cassettes."

Paulo Coelho
(Maktub, 2004)

17:14 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Littérature

07 août 2006

Parce que c'est beau

Prière au sommeil

Somme, doux repos de nos yeux.
Aimé des hommes et des dieux,
Fils de la Nuit et du Silence,
Qui peux les esprits délier,
Qui fais les soucis oublier,
Endormant toute violence.

Approche, ô Sommeil désiré !
Las ! c'est trop longtemps demeuré :
La nuit est à demi passée,
Et je suis encore attendant
Que tu chasses le soin mordant,
Hôte importum de ma pensée.

Clos mes yeux, fais-moi sommeiller,
Je t'attends sur mon oreiller,
Où je tiens la tête appuyée :
Je suis dans mon lit sans mouvoir,
Pour mieux ta douceur recevoir,
Douceur dont la peine est noyée.

Hâte-toi, Sommeil, de venir :
Mais qui te peut tant retenir ?
Rien en ce lieu ne te retarde,
Le chien n'aboie ici autour,
Le coq n'annonce point le jour,
On n'entend point l'oie criarde.

Un petit ruisseau doux-coulant
A dos rompu se va roulant,
Qui t'invite de son murmure,
Et l'obscurité de la nuit,
Moite, sans chaleur et sans bruit,
Propre au repos de la nature.

Chacun hors que moi seulement,
Sent ore quelque allégement
Par le doux effort de tes charmes :
Tous les animaux travaillés
Ont les yeux fermés et sillés,
Seuls les miens sont ouverts aux larmes.

Si tu peux, selon ton désir,
Combler un homme de plaisir
Au fort d'une extrême tristesse,
Pour montrer quel est ton pouvoir,
Fais-moi quelque plaisir avoir
Durant la douleur qui m'oppresse.

Si tu peux nous représenter
Le bien qui nous peut contenter,
Séparé de longue distance,
Ô somme doux et gracieux !
Représente encore à mes yeux
Celle dont je pleure l'absence.

Que je voie encor ces soleils,
Ce lis et ces boutons vermeils,
Ce port plein de majesté sainte ;
Que j'entr'oie encor ces propos,
Qui tenaient mon coeur en repos,
Ravi de merveille et de crainte.

Le bien de la voir tous les jours
Autrefois était le secours
De mes nuits, alors trop heureuses ;
Maintenant que j'en suis absent,
Rends-moi par un songe plaisant
Tant de délices amoureuses.

Si tous les songes ne sont rien,
C'est tout un, ils me plaisent bien :
J'aime une telle tromperie.
Hâte-toi donc, pour mon confort;
On te dit frère de la Mort,
Tu seras père de ma vie.

Mais, las ! je te vais appelant,
Tandis la nuit en s'envolant
Fait place à l'aurore vermeille :
O Amour ! tyran de mon coeur,
C'est toi seul qui par ta rigueur
Empêches que je ne sommeille.

Hé ! quelle étrange cruauté !
Je t'ai donné ma liberté,
Mon coeur, ma vie, et ma lumière,
Et tu ne veux pas seulement
Me donner pour allégement
Une pauvre nuit tout entière ?

 

Celui que l'Amour range à son commandement

Celui que l'Amour range à son commandement
Change de jour en jour de façon différente.
Hélas ! j'en ai bien fait mainte preuve apparente,
Ayant été par lui changé diversement.

Je me suis vu muer, pour le commencement,
En cerf qui porte au flanc une flèche sanglante,
Depuis je devins cygne, et d'une voix dolente
Je présageais ma mort, me plaignant doucement.

Après je devins fleur, languissante et penchée,
Fuis je fus fait fontaine aussi soudain séchée,
Epuisant par mes yeux toute l'eau que j'avais.

Or je suis salamandre et vis dedans la flamme,
Mais j'espère bientôt me voir changer en voix,
Pour dire incessamment les beautés de Madame.

 

Philippe DESPORTES (1546-1606)
(Recueil : Les amours de Diane) 

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30 juillet 2006

Gemme!

Tahar Ben Jelloun

L'amitié est une religion sans Dieu ni jugement dernier. Sans diable non plus. Une religion qui n'est pas étrangère à l'amour. Mais un amour où la guerre et la haine sont proscrites, où le silence est possible.
(Éloge de l'amitié, Éd. Arléa, p.9 )
 
Le temps est le meilleur bâtisseur de l'amitié. Il est aussi son témoin et sa conscience. Les chemins se séparent, puis se croisent.
(Éloge de l'amitié, Éd. Arléa, p.26 )
 
Quand une amitié est bafouée, rien ne peut la reconstituer. Tandis que les blessures d'amour - du désir, de la sexualité - peuvent se cicatriser, celles de l'amitié sont éternelles, définitives.
(Éloge de l'amitié, Éd. Arléa, p.52 )
 
Je considère qu'un ami est celui qui ne ment pas, ne fait pas semblant et parle avec toute la sincérité, la franchise que l'amitié véritable requiert. C'est ce que j'appelle l'exigence amicale : dire ce qu'on pense sans, bien sûr, être blessant.
(Éloge de l'amitié, Éd. Arléa, p.56 )
 
L'ami est-il celui qu'on peut déranger ? Oui, surtout s'il peut être utile.
(Éloge de l'amitié, Éd. Arléa, p.82 )
 
L'amitié ne rend pas le malheur plus léger, mais en se faisant présence et dévouement, elle permet d'en partager le poids, et ouvre les portes de l'apaisement.
(Éloge de l'amitié, Éd. Arléa, p.84 )
 
[...] l'amour n'atteint la maturité et la sérénité qu'aidé par l'amitié. Il y faut du temps, de la générosité et de la lucidité.
(Éloge de l'amitié, Éd. Arléa, p.96 )
 
Le destin est ce qui nous arrive au moment où on ne s'y attend pas.
(Éloge de l'amitié, Éd. Arléa, p.114 )
 
Être exigeant est une règle de base. Être tolérant est un principe. Veiller sur l'état de l'amitié est un devoir. Penser à l'autre, savoir être présent quand il le faut, avoir les mots et les gestes qu'il faut, faire preuve de constance dans la fidélité, c'est cela l'amitié, et c'est rare.
(Éloge de l'amitié , Éd. Arléa, p.123 )
 
L'amitié qui se lit sur les visages et dans les gestes devient comme une prairie dessinée par un rêve dans une longue nuit de solitude.
(Éloge de l'amitié, Éd. Arléa, p.124 )

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