Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20 septembre 2006

Chose promise, chose due

Je suis née dans les années cinquante. J' étais donc une enfant du baby boom.

J'ai grandi dans la proche banlieue parisienne.

Ma petite enfance? J'ai le souvenir de murs sombres et de boutiques tristes, de gens vêtus de vêtements noirs ou gris: à l'époque une femme de quarante ans avait l'air d'une vieille! 

Dans ma mémoire le monde s'est coloré à partir de soixante-huit. Et pas seulement de fleurs! Quand à la télé couleur, ce n'est que beaucoup plus tard que j'ai fait sa connaissance. Malheureusement pour moi je grandissais dans une famile très stricte et dans une école dite "religieuse" (c'est-à-dire où l'on enseigne le culte de l'hypocrisie) et mon 68 à moi, c'est plus tard que je l'ai fait!

Seule enfant de père divorcé et donc non remarié à l'église, on me montrait du doigt en classe. Heureusement que de l'eau a coulé sous les ponts depuis! Et comme ça au moins la discrimination je connaisssais déjà!

Enfance studieuse auprès d'une mère aimante et d'un père peu présent. Difficultés matérielles importantes quand il a perdu son emploi dans l'entreprise familiale rachetée par un concurrent, difficultés avec ses autres enfants dont il avait la garde, garde dont il s'est bien vite délestée auprès de sa mère (j'aimerais bien connaître ses motivations dans le fait d'infantiliser ses fils à celle-là, mais ça je ne pourrai plus jamais le lui demander, là où elle est...), cet homme n'a jamais été un éducateur et est toujours resté un enfant dans le fond. C'est pour d'autres raisons que je l'ai aimé, bricoleur de génie, inventeur, chasseur, pêcheur (il nous a tous contaminés!), mais aussi détesté, comptable dans l'âme (beurk), infidèle (rebeurk) et alcoolique (là je gerbe).

Et j'ai grandi et mûri et mes différences déjà palpables avant se sont accentuées, ce qui a eu pour effet de transformer ma mère en harpie, parce que je ne devenais pas la poupée modèle dont elle rêvait. Engueulades incessantes, brimades, menaces, coups, rien n'y fit. A part une baisse de performances scolaires durant deux ans et la décision de travailler bien mais sans plus par la suite, je continuais en dépit de tout à me chercher, à me comprendre et à ne pas céder à ses injonctions. Non moi j'aimais toujours les fringues de mec, les jeux de voiture en attendant d'en avoir une vraie rien qu'à moi, je ne comprenais rien aux usages prévus pour les jeunes filles de bonne famille, rien aux centres d'intérêt de la majorité des gamines de ma classe: maquillage, nouveaux panties et sous-tifs, messes basses sur les mecs en ricanant, etc...

Non, moi j'adorais jouer de la musique avec B. qui je l'ai appris bien plus tard, s'est avérée être aussi lesbienne, j'aimais parler voyage ou montagne avec mes copines, celles qui préféraient le sport à la drague, la musique au paraître, la littérature et les arts à la superficialité. En même temps que mes goûts pour la musique, les sciences et les lettres s'affirmaient, j'étais capable de passer tous mes cours de géo (sachant que j'étais et suis toujours une tache en géo, y a que les voyages qui m'apprennent quelque chose!), je passais donc des heures à me fondre dans les yeux bleus de Mademoiselle notre professeur, au visage en couteau mais aux yeux si beaux, uniques, même Michèle Morgan peut aller se rhabiller!

Et je me débrouillais aussi avec un certain bonheur pour entraîner les autres dans des causes humanitaires avant que ce soit la mode, je  dévorais quantité de livres, dont mes premiers de psycho vers 14/15 ans et je rêvais de refaire le monde à défaut de le sauver, sans mettre de nom sur mes premiers émois, sur mes attachements. Tant de choses étaient tabou! J'avais bien trouvé des allusions à l'homosexualité dans certains bouquins, mais la "chose" était présentée de façon si noire, les destins semblaient si malheureux, la névrose si sombre, comment pouvais-je m'identifier à ces gens?

Alors je me contentais de rêver de prouesses professionnelles, d'indépendance, de sports interdits par ma mère si inquiète de mon sort et d'une fille que décidément elle ne comprenait pas. Je partageais avec les garçons de nombreux goûts sans jamais m'inquiéter de mon absence d'attrait physique pour eux. Jusqu'au jour où ma mère, femme "adorable", suite à une altercation avec la mère d'un jeune de mes amis (qu'elle envisageait va savoir, peut-être comme futur gendre...), ma mère donc me traita d'asexuée, et me menaça d'internement (rien que ça!). Qu'auriez-vous fait? Oui? Vous aussi? Exactement, j'ai fermé ma gueule. Et j'ai grandi en me jurant bien que dès que possible, je partirais de là et que je mènerais ma vie quelle qu'elle soit. C'est ainsi que j'ai commencé à la gagner, avec de petits boulots étudiants, et à économiser, tout en me promettant de partir dès mes vingt-et-un ans. J'avais tout juste 15 ans!

Je fus majeure à 19 ans grâce à la loi du 07-07-1974. Le mois qui suivit mon anniversaire j'étais partie.

(... à suivre ...) 

PS: si ça vous gave, je ne continuerai pas!

Commentaires

Bon ben cocote !
on continue hein
parce que quoi de mieux qu'un témoignage, hein ?
Ca parle, ça réveille, ça instruit !
Alors Vas-y !
Et comme tu écris bien, ça gratte même pô !
bioussss
cabs

Écrit par : cabs | 20 septembre 2006

Sisi la suite ! surtout que moi je suis néé 19 jours avant ta majorité ... c'est plutôt intéressant de savoir comment tu a vécu ton homosexualité à cette époque ( à laquelle moi j'était amoureuse de Dave ... y'a pas de fumé sans feu :))) )

Écrit par : Jiulia | 21 septembre 2006

J'étaiS amoureuse de Dave ... bien SUR...

Sisi j'ai été un peu à l'école aussi ... :))

Écrit par : Jiulia | 21 septembre 2006

Une chose m'étonne dans ton témoignage : tu es née quelque 15 ou 20 ans avant moi et ce que tu décris de ton enfance et de ton adolescence est identique à ce que j'ai vécu... hormis la description de tes parents. Le rapport au monde, les premiers livres, la découverte d'abord du terme "homosexualité" (tiens, ça existe donc !) et de l'image qu'on voulait bien en donner, les rêves, les envies, les profs... Bon dans un sens c'est peut-être le signe qu'on a tous à peu près le même parcours et les mêmes difficultés. Je suis un peu pessimiste tout de même et ne peut m'empêcher de penser qu'aujourd'hui encore les jeunes qui se découvrent buttent sur les mêmes idées, la même absence de repères...
Bravo pour le blog en général, depuis que je l'ai découvert, j'y viens régulièrement prendre de vos nouvelles.
Et puis maintenant, j'ai envie de lire la suite de l'histoire !

Écrit par : edwige | 21 septembre 2006

eheh moi ca m'étonne pas
élevée ds ce style, je fais différent
je me retrouve avec des gosses exotiques
bisous
cabs

Écrit par : cabs | 21 septembre 2006

Un livret de toi, sans menuet ?

Je t'entend quand même, mais fais attention à toi dans ce regard derrière l'épaule.

Écrit par : Patricia-M | 22 septembre 2006

continue, continue...

comme tu le dis, l'homosexualité était montrée comme "sombre", par des gens de génie aux destins tragiques.. forcément ça motive pas!

alors à toi, à nous aujourd'hui, de montrer que non cest pas ça, que meme avec toutes les étiquettes collés aux fesses on peut être HeureuX et HeureuZ et que c'est plus du tout sombre du tout!!
je vais m'atteler à un post là dessus d'ailleurs.

Écrit par : linem | 26 septembre 2006

Bonjour, interrssante decouverte pour moi aujourd'hui.
J'ai envie d'en savoir plus...

Écrit par : fredouille | 27 septembre 2006

Edwige> Je suis née 16 ans avant toi ;)
Pour les jeunes d'aujourd'hui, non, les rapports avec les familles ne sont pas toujours simples.

Mais la différence essentielle avec mon adolescence, c'est qu'il y a des références culturelles accessibles en quantité: films, bouquins, émissions télé, et CA c'est récent. Et il y a des assocs, et des travailleurs sociaux informés et des toubibs qui ne sont pas homophobes. Ce n'est pas encore le cas de tous, loin de là, mais ça viendra.

C'est comme être fille-mère, dans mon enfance c'était la honte, deux générations plus tard cela ne choque plus personne. Ca viendra aussi pour nous les homos. Le jour où les derniers bastions de l'incompréhension tomberont avec la fin des plus anciennes générations. Même s'il y a aussi de jeunes cons...

Patricia> A l'heure où mon père décline et où la fin est forcément prévisible, le regard par-dessus l'épaule est de toute façon inévitable. Et il est parfois bon de faire un tour dans son histoire pour y retrouver aussi quelque source vive enfouie et oubliée. Tous nos possibles étaient déjà là...

Vous tous> Merci pour les encouragements, je vais donc continuer. Il me faut juste un peu de temps, quelques tâches urgentes et de préférence ingrates ayant décidé de monopoliser mon énergie sans possibilité aucune de différer. Mais vous aurez la suite, promis!

Écrit par : Happy | 29 septembre 2006

Les commentaires sont fermés.